Blog de Georges Dubouchet

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2018 oct. 26

PLAQUES MULETIERES

En préambule de notre ouvrage Des lunes belles comme des soleils, nous rappelions qu’il y a un siècle, année pour année, César Filhol publiait la seule étude d’importance sur les plaques muletières. Nous résumerons très succinctement divers propos de notre ouvrage de 300 pages tout en donnant quelques éclairages supplémentaires que, dans la précipitation de la remise du PDF à l’imprimeur, nous n’avions pu ajouter. Précisons que, de manière à apporter aux lecteurs un réel supplément d’informations, les photos présentées dans cet article ne figurent pas dans notre ouvrage.

Le « corpus » d’étude des plaques muletières

Nous avons observé (en comptant les « plaques » reproduites en photos ou dessins) quelque 950 plaques muletières. Il faut préciser qu’un nombre significatif de « plaques » sont identiques ou présentent de menues différences -certes significatives- mais négligeables. Sur les 450 documents (photographiques et iconographiques) dont nous disposions, 275 furent reproduits dans « Des lunes belles comme des soleils ». Compte tenu des seules informations en notre possession, nous aurions pu observer environ 1200 plaques muletières si nous avions eu accès à certaines collections ainsi qu’aux dessins de Maurice Gennevaux qui font partie des collections du Musée Languedocien de Montpellier. Les spécialistes pourront évaluer à partir de différents critères, le nombre relativement considérable de plaques muletières qui furent exécutées au cours du temps. Observons toutefois qu’il ne faut certainement pas « plonger » dans les plus lointaines origines du transport à dos de mulet ni même appréhender celui-ci au moment où le « bridel » se parât de ces « disques de laiton » mais qu’il convient de considérer seulement l’usage de « lunes » dans le cadre du trafic muletier stricto sensu. D’autre part, pour en revenir au problème de la production de plaques muletières, on peut évaluer la longévité moyenne des « lunes » sans oublier que celles-ci furent en permanence détournées en ustensiles divers ou réutilisées pour réparer d’autres plaques. A ce sujet, nous avons souligné que les « lunes » appartenant aux collectionneurs les plus importants sont généralement en bon état. Il en va différemment de nombreux spécimens figurant dans les collections du Musée Crozatier ou du Musée Ignon-Fabre de Mende. Curieusement, les restaurations plus ou moins grossières donnent aux plaques muletières un intérêt ethnographique qui est partie prenante de l’art populaire. Nous avons répertorié dans notre ouvrage : 172 plaques du Musée Languedocien de Montpellier. 120 plaques du Musée Crozatier au Puy. 84 plaques de la collection Vallentin. 43 plaques de la collection de Cazenove. 48 plaques de la collection René Richard. 32 plaque du Musée Ignon-Fabre de Mende. 10 plaques du Musée César Filhol d’Annonay. 26 plaques du Musée du Vieux Nîmes. 67 plaques du Musée des vallées cévenoles de Saint-Jean-du-Gard. 16 plaques du Museon Arlaten. 20 plaques du Musée Paul-Dupuy de Toulouse. 19 plaques du Mucem. 2 plaques du Musée du Vigan. 2 plaques du Musée des Vans. 3 plaques du Musée de Gap. 5 plaques du Musée Dauphinois. 6 plaques du Musée de Moutiers. 30 plaques du Musée de Genève. 7 plaques de l’Inventaire général Languedoc Roussillon.

Quelque 120 plaques provenant de collections privées. 75 plaques vendues à l’occasion d’enchères. 70 plaques dessinées.

Il faut ajouter les 6 plaques du Musée pyrénéen de Lourdes et plusieurs plaques provenant de collections privées dont nous n’avions pas connaissance lors de la publication de notre ouvrage. Il s’agit donc d’un total approchant les 1000 unités auquel il convient de retrancher différentes redites (de nombreuses plaques passant d’une collection à une autre).

Une pluralité de questions

L’étude des « plaques muletières » suscite de nombreuses interrogations qui relèvent de domaines très divers et auxquelles il est plus ou moins facile et auxquelles nous avons tenté de répondre dans notre ouvrage :

  1- Auteurs ayant traité des plaques muletières. Par ailleurs, nous avons fait appel, au gré de nos connaissances, à plusieurs bulletins ou mémoires de différentes sociétés savantes relatant l’acquisition de telle ou telle plaque. 
  2- Documents iconographiques représentant des plaques muletières.
  3- Dans quelles régions a-t-on utilisé des plaques muletières ? 
  4- Dans quelles régions a-t-on collecté des plaques muletières ? Le lieu de collecte coïncide-t-il avec le lieu d’usage ?
  5- Quelles villes comportaient-elles des ateliers de fabrication des plaques muletières ? 
  6- Nature du métal utilisé pour fabriquer les plaques muletières ? Intérêt de procéder à des analyses chimiques ou spectroscopiques pour déterminer la composition de l’alliage.
  7- Description d’une plaque muletière et de sa charnière.
  8- Fonctions de la plaque muletière.
  9- Les collectionneurs, anciens et contemporains, de plaques muletières.
  10- Technique de fabrication : plaques gravées et/ou repoussées. 
  11- Catégories auxquelles ces plaques renvoient : « plaques armoriées » ; « plaques décorées » ; « plaques à devise » ; « fausses plaques » ; « plaques détournées ».
  12- Statut social du muletier.
  13- L’usage de ces différentes plaques peut-il être mis en rapport avec le statut social du muletier ?  
  14- Peut-on distinguer plusieurs sortes de « plaques armoriées » ? Peut-on parler de « plaques royales » (muletiers du roi), de « plaques communales » ?
 15- Quels sont les « codes » utilisés par les graveurs soucieux de rendre compte des couleurs d’un blason sur une plaque de laiton ?
 16- Représentations figurant sur les « lunes décorées ». 
 17- Quelles peuvent être les sources d’inspiration des « plaques décorées » ?
 18- Classification des « plaques à devise ».
 19- Intérêt des particularismes orthographiques relatifs aux inscriptions relevées sur les plaques muletières.
 20- Comment reconnaître une « fausse plaque » ?
 21- Intérêt des « plaques détournées » et différentes utilisations de ces plaques.
 22- Peut-on distinguer des ateliers plus ou moins importants. De modestes artisans, des ouvriers itinérants, voire de simples paysans ont-ils exécuté des plaques muletières ?
 23- Des artisans divers (fondeurs, bridiers, potiers d’étain, ouvriers itinérants, etc.) ont-ils produits des plaques muletières ? 
 24- Quels outils utilisaient les uns et les autres ? 
 25- Dans quelle mesure peut-on parler de fabrication en série ?
 26- A quelle époque les plaques muletières remontent-elles ? Le recours à l’iconographie et, en particulier, à certains tableaux est susceptible d’apporter des informations permettant de préciser à quelle époque et dans quelle région, on fit usage, à l’exclusion du trafic muletier, des plaques de mulet. 
 27- A quelle époque les muletiers ont-ils fait usage de plaques muletières ? Peut-on distinguer des critères objectifs permettant de dater les plaques muletières ?
 28- A quelle époque a-t-on fabriqué les derniers spécimens authentiques ?
 29- Musées présentant des plaques muletières.
 30- Musées et collections présentant des « bridels ».



Sciences « annexes » et plaques muletières

A l’instar de la plupart des sujets, l’approche des plaques muletières implique le concours d’un certain nombre de disciplines annexes. Nous avons vu que la détermination du métal ou des alliages utilisés nécessitait le recours à une analyse chimique tandis que les techniques utilisées par les orfèvres, les graveurs, les fondeurs, les dinandiers ou les potiers d’étain sont susceptibles d’apporter des enseignements quant aux différentes manières d’exécuter une plaque muletière. On citera l’héraldique qui s’avère bien indispensable pour déchiffrer les plaques armoriées. Le décryptage des sources d’inspiration propre à telle ou telle plaque décorée suppose, de manière générale, le recours à une pluralité de disciplines allant de la numismatique et du médailler à l’hagiographie en passant par la généalogie, les arts appliqués et l’archéologie. Nous avons fait appel aux différents modes de graphie, aux évolutions orthographiques et même à certaines formes dialectales pour rendre compte de plusieurs plaques à devise. Il est bien évident qu’il convient souvent d’en référer à la géographie si l’on veut situer les parcours des convois muletiers ou préciser les localités précisées sur de nombreuses plaques à devise. Il en va de même des lieux ont les différentes plaques ont été recueillies ou collectées. On prendra seulement deux exemples que nous n’avons fait que suggérer dans notre ouvrage :

Exemple hagiographique

La représentation de saint-Antoine pose un double problème quant à l’identité de ce saint et à la provenance des plaques le représentant :

  1- S’agit-il de saint-Antoine l’égyptien ou de saint-Antoine de Padoue ? On a vu que César Filhol prétendait qu’il s’agissait de saint-Antoine de Padoue essentiellement au motif de la représentation traditionnelle représentant le saint portant l’Enfant-Jésus dans ses bras tandis que  « saint-Antoine l’égyptien » (ou « saint-Antoine du désert ») est souvent accosté d’un cochon. 
  2- La provenance de cette plaque retient notre attention. Roger Verdier opte pour une origine savoyarde avec un point d’interrogation tandis que César Filhol la qualifie de « pyrénéenne » au motif qu’elle fut acquise en 1884 à Amélie-les-Bains (Pyrénées Orientales). On ajoutera que les reliques de saint Antoine l'Égyptien ont été ramenées de Terre Sainte par un seigneur du Dauphiné et qu’elles sont déposées à Saint-Antoine-l’Abbaye (Isère), ce qui conforterait l’avis de Van Gennep attribuant au Dauphiné (en dépit du fait que les mulets soient, en Savoie, sous la protection de saint Antoine) l’usage de sujets religieux.

On confrontera les deux « lunes » représentant saint-Antoine de Padoue que nous avons présentées à cette plaque (qui n’est pas « muletière ») sur laquelle le personnage figurant saint-Antoine l’égyptien (également dit saint-Antoine l’Abbaye) avec son cochon a été riveté.

PlaqueMuletiere_StAntoinePadoue

Représentation de Saint-Antoine de Padoue (collection Claude RICHARD)

Exemple généalogique

Les plaques à inscription nominative nous invitent à faire intervenir la généalogie. A ce sujet, on prendra l’exemple de trois plaques savoyardes portant, respectivement, les inscriptions : « Vive duc vidam » ; « Duc de Granier » et Duc Barthélemy de Granier 1872). Selon César Filhol, la première inscription pourrait désigner un double nom patronymique. On retiendra cette explication, encore que le terme « vidam (‘e’)» peut également renvoyer à une profession (cf. officier au service d’un évêque). Quant à la troisième inscription (portée sur une plaque rapportée de Savoie par M. et Mme Moret), elle pourrait éclairer le patronyme de la seconde s’il est vrai qu’on recense, au village de Granier (Savoie) un Barthélemy Duc né en 1767 et décédé en 1828.

plaque_savoyarde

Plaque Savoyarde (Collection Madeleine MORET)

Régions où les plaques muletières sont présentes

La présence de plaques muletières dans plusieurs régions françaises et étrangères suscite un certain nombre de remarques et de questionnements :

  1- Les plaques dites « cévenoles » sont mieux connues que les autres s’il est vrai que les différentes études citées lui font la part belle. 
  2- Ces dernières années, de nombreuses « plaques savoyardes » ont été proposées lors de différentes ventes aux enchères. On en déduira que l’on connaît encore assez mal les détenteurs de « lunes » provenant de cette région mais qu’il reste beaucoup de grain à moudre au fur et à mesure de la découverte de plaques provenant de cette région.
  3- Nous disposons d’un nombre excessivement limité de plaques dites « pyrénéennes » (ou « catalanes »).
  4- Nos connaissances trop « hexagonales » ne nous ont pas permis d’apporter des éclaircissements sur les plaques provenant de la Catalogne espagnole ou de la Ligurie italienne, région où l’usage de plaques muletières est avéré. A ce sujet, on confrontera la plaque (provenant de Ligurie) donnée en 1884 au Musée de Genève par Hippolyte Jean Gosse (que nous avons présentée dans notre ouvrage) avec une plaque figurant dans la collection du Musée Pyrénéen de Lourdes.

Le nombre relativement important de « plaques » nommément localisées au Puy a permis à plusieurs auteurs de mettre en lumière plusieurs traits distinctifs propres aux « lunes » exécutées dans ce centre de fabrication. D’autre part, les nombreuses plaques savoyardes mentionnant une localité permettent non seulement de dégager leurs invariants décoratifs mais encore de les situer géographiquement. En revanche, les caractères relevés sur les rares plaques pyrénéennes que nous connaissons ne permettent pas d’affirmer qu’ils sont spécifiques à la production de cette région. Ainsi, la représentation apparemment fréquente de saint-Eloi se retrouve sur les plaques cévenoles et pyrénéennes (voir plus loin). Par ailleurs, le seul indice susceptible de localiser ces plaques (avec beaucoup de réserve) est leur lieu de collecte. Enfin, si différentes inscriptions permettent de recenser, dans le Massif Central, plusieurs centres de fabrication des plaques muletières, nous n’avons trouvé aucune information relative aux ateliers où furent exécutées des plaques savoyardes ou pyrénéennes. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’aucune narration relative à la fabrication de plaques muletières au Puy (centre si souvent mentionné sur les « lunes ») ne nous soit parvenue. A ce sujet, on ne reprochera certainement pas à Auguste Aymard de n’avoir pas cherché à entrer en contact, en 1865-1866 (époque à laquelle il s’intéressait déjà aux plaques muletières) de n’être pas entré en contact avec les artisans les plus âgés qui, quelques décennies plus tôt, s’adonnaient à la fabrication des « lunes » dans sa bonne ville ponote.

Bibliographie et iconographie des plaques muletières

Nous avons essayé de donner la bibliographie la plus complète sur un sujet qui n’avait fait l’objet d’aucune étude d’ampleur depuis la série d’articles, déjà très anciens, de César Filhol. Toutefois, nous regrettons de n’avoir pu consulter les archives de César Filhol à la Bibliothèque d’Annonay, l’article d’Antoine Temple Les plaques muletières de la Société Archéologique de Montpellier(1969) et surtout les précieux documents laissées par Maurice Gennevaux à la Société Archéologique de Montpellier. Nous n’avons même pas été autorisé à prendre connaissance du Compte-rendu des travaux de la Société Archéologique de Montpellier 1932-1950 (1958), ouvrage que nous avons récemment découvert (voir plus loin) mais qui nous a laissé sur notre faim en matière de plaques muletières. Quant à l’iconographie, nous avons inventorié et le plus souvent présenté la plupart des documents successivement mentionnés par différents écrivains en indiquant (comme nous nous plaisons à le faire) à quel auteur on devait la primeur de telle ou telle référence. Voir in « Colporteurs et marchands savoyards » un ex-voto représentant des muletiers ainsi que plusieurs mulets (qui paraissent dépourvus de plaques muletières).

Les collecteurs et collectionneurs de plaques muletières

Envisageant, dans un premier temps, les anciens collectionneurs de plaques muletières, nous avons consacré un petit chapitre à chacune des 7 personnalités qui manifestèrent un vif intérêt pour le sujet. On citera successivement, entre 1865 et 1918 : 1) Auguste Aymard. 2) La famille Vallentin. 3) Le Dr Charvet. 4) Arthur de Cazenove. 5) Maurice Gennevaux. 6) Paul Jouvin. 7) César Filhol. Nous avons établi qu’Auguste Aymard fut, en 1865-1866, le premier à souligner l’intérêt de cette pièce de harnachement qui n’avait pas encore attiré l’attention des érudits. Il est, bien entendu, infiniment plus difficile de traiter des collectionneurs contemporains qui sont légion. Toutefois, on connaît bien la collection René Richard grâce au remarquable article Au temps des plaques muletières publié en 1995 par le collectionneur avec la collaboration de Roger Verdier. En fonction de nos connaissances, nous avons donné -à commencer par l’esthète JFG- une liste de collectionneurs contemporains dont la plupart des amateurs de plaques muletières constateront, chacun de son côté, qu’elle est bien incomplète.

Des « phalères » et des « lunes »

Nous avons abordé de l’antique notion de « phalères » qui suscita un vif intérêt de la part des premiers amateurs de plaques muletières. Toutefois, ces derniers abandonnèrent l’emploi de ce terme pour parler de « disque de cuivre », de « lunette », de « plaque de mulet », de « lune », voire, selon Arthur de Cazenove, de « clute » (dérivé du verbe « clutar » signifiant fermer en patois provençal) et de « lunas » (en patois cévenol) ou tout simplement de « disque ». Aucune de ces dénominations n’est exempte de critiques même si nous avons justifié -à partir d’une série d’arguments et pour une certaine zone géographique- l’emploi du terme « lune ». D’autre part, le formule plus généraliste (dans la mesure où elle dépasse le cadre cévenol) de « plaque muletière » a l’inconvénient -en désignant un objet présentant une surface plane de peu d’épaisseur- de s’appliquer davantage aux planches à dentelle que l’on qualifie ordinairement, en considérant sa fonction, de « plioir à dentelle ». Comme rien n’est simple en matière d’art populaire, nous avons montré, à partir de la présentation de deux plaques muletières hautement du Musée Dauphinois, que l’argument selon lequel les phalères -à la différence des plaques muletières- représentaient des scènes équestres et des courses de chevaux n’était pas toujours décisif

Diversité du statut du muletier

Nous aurons l’occasion de montrer que la nature de la plaque muletière n’est pas indifférente au statut social du muletier. Or, celui-ci est très divers. Ainsi, la distinction entre « muletiers », « voituriers », « rouliers », « charretiers », « marchands » ou « paysans transporteurs » n’est pas toujours clairement établie. Dans le site internet, Les muletiers (11 février 2011), Marcel Eyraud a relevé, à partir des mentions figurant sur les registres de catholicité et d’état-civil ainsi que sur les rôles de capitation des Estables, un certain nombre de dénominations qui attestent de la diversité du métier de muletier : « maître-voiturier » ; « voiturier » ; « marchand-voiturier » ; « laboureur-muletier » ; « voiturier-revendeur ». On ajoutera les notions de « barilleur », transporteur des « vins du Vivarais » et la fonction de « messager » que René Richard assimile, à celle de « rafardier ». Surtout, le dépouillement des archives médiévales a permis à Franck Brechon d’approfondir la distinction entre le « rafardier » qui conduisait une « couble » comportant moins de 6 mulets et le « saumadier » qui dirigeait des « coubles » plus importantes. Marcel Eyraud reprend cette importante distinction tout en considérant trois types d’activité : le « paysan-muletier » qui meublait les temps morts par une activité d’appoint et que l’on pourrait rapprocher du « rafardier » ; le « muletier à part entière », c’est-à-dire le « saumadier » considéré comme un véritable professionnel et le « marchand-muletier ».

Fonctions des plaques muletières

Dans la rubrique du Mucem Plaques muletières Fiche Objet Catalogue des collections (s. d.), les auteurs assignent plusieurs fonctions aux plaques muletières :

  1- Elles « étaient toujours rattachées au frontal par une charnière qui permettait un mouvement de la plaque ainsi que des jeux de lumière ». 
  2- Elles « contribuaient aussi à l’ornementation ». 
  3- Elles « permettaient avant tout de marquer les brides elles -mêmes afin qu’elles ne puissent être échangées ». 
  4- Elles « constituaient aussi des supports privilégiés à la personnalisation et à la distinction de personnages ou de convois ». Pour cette raison, elles n’étaient jamais vendues avec le harnachement.

Tout en souscrivant à ces propos, on doit ajouter d’autres fonctions dévolues aux plaques muletières :

  5- Elles permettaient, tout en flattant l’orgueil du muletier, de protéger les mulets des éblouissements du soleil parfois meurtriers lorsque le convoi empruntait des chemins escarpés.
  6- Elles jouaient, ainsi que le rappelle César Filhol, le rôle prophylactique de « pare-mouches ».



Du laiton et du cuivre

On lit sur « internet », dans l’extrait d’un article, Le 5e livre de Georges Dubouchet parle des plaques muletières : « Les plaques muletières sont des objets ronds en cuivre ou en laiton ». Nous n’avons jamais écrit cela. Bien au contraire, nous avons reproché à plusieurs spécialistes de l’outil d’avoir entretenu cette erreur. Nous avons toujours affirmé que les plaques muletières étaient en laiton. L’existence(toujours possible en matière d’art populaire) de plaques en cuivre, voire en étain, ne pouvant être considérée comme des exceptions (fortuites ou extravagantes) qui confirment la règle. Ainsi, nous avions demandé à Daniel Travier d’observer attentivement, au Musée de Maison Rouge, les deux « plaques » qu’il pensait être en cuivre. A la suite de cet examen, Daniel Travier confirmait notre hypothèse : « A regarder de plus près, les deux plaques que l'on pensait de cuivre en fait sont de laiton avec une belle patine chocolat qui est à l'origine de la confusion ». La différence est d’importance s’il est vrai que le cuivre est un minerai tandis que le laiton est un alliage (de cuivre et de zinc). Toutefois, il faut admettre que l’ancienne et malheureuse formule de « cuivre jaune » pour désigner le laiton a pu entretenir la confusion. Toujours est-il que les qualités du laiton ne manquèrent pas de faire de cet alliage le matériau privilégié pour l’exécution des plaques muletières dans la mesure où son usinage est facile, sa résistance plus affirmée que celle du cuivre pur tandis que sa belle couleur dorée qui resplendissait au soleil ne pouvait que plaire aux muletiers. Nous avons par ailleurs montré, avec Mme Michèle Bois, qu’une analyse chimique ou spectroscopique des plaques muletières pouvait jouer le rôle d’indices quant à la localisation de spécimens fabriqués dans telle ou telle région. Par ailleurs, le poids et le traitement du laiton utilisé sont susceptibles de distinguer les « plaques » laminées et gravées par des ouvriers professionnels et celles exécutées par des artisans du terroir, voire de simples paysans.

Provenance des plaques muletières

Dans l’attente d’études complémentaires et à l’instar des auteurs qui se sont succédé, nous considérerons trois régions, à savoir les Pyrénées (françaises et espagnoles), les Alpes (Dauphiné et Savoie) et le Massif Central et dont les accidents du relief se prêtaient à l’utilisation d’animaux aussi résistants qu’étaient les mulets. Par ailleurs, nous avons présenté d’autres plaques provenant de certaines régions italiennes comme la Ligurie ou le Piémont.

Plaques pyrénéennes

Selon César Filhol, les plaques pyrénéennes se présenteraient par groupe de 3 (plaque frontale et plaques latérales) et seraient de petites dimensions (environ 10 cm de diamètre). Ces observations sont contestables. En effet, nous verrons que la « cabeçada » du Musée Pyrénéen de Lourdes ne comporte qu’une plaque froçntale. D’autre part, si le diamètre de la plaque n° 15 de la collection René Richard est de 12,8 cm, les diamètres des plaques n° 6, 7 et 8 de cette même collection sont, respectivement, de 17, 18,8 et 17,2 centimètres. Considérant les (trop rares) spécimens sui generis dont nous disposons, on pourrait dire que les plaques pyrénéennes présentent souvent les caractéristiques suivantes : 1) cartouche trilobé ou quadrilobé à écoinçons. 2) Ecu couronné. 3) Monogramme du Christ. 4) Supports lions passants (cf. plaques n° 7 et 8 de la collection René Richard). 5) Décorations : fleurs de lis (cf. plaque n° 6 de la collection René Richard) ; « swastika » (cf. plaque du Dr Charvet). 6) Couronne pleine surmontant l’écu. 7) Représentation fréquente de saint-Eloi. Les plaques muletières dont nous connaissons l’origine géographique de manière suffisamment précise ont été situées dans le département des Pyrénées Orientales (St-Laurent de Cerdans ; Arles sur Tech ; Corsavy). On ajoutera, en reprenant ce qui a été dit précédemment et en l’absence d’analyses chimiques ou spectroscopiques, que les plaques pyrénéennes de la collection René Richard présentent une couleur foncée ainsi qu’un poids quelque peu supérieur qui pourraient laisser penser qu’elles contiennent un alliage de cuivre et de plomb ou d’étain.

Plaques dauphinoises et savoyardes

Les « plaques alpines » que l’on peut observer paraissent d’origine savoyarde davantage que dauphinoise. Ainsi, le Musée Dauphinois de Grenoble ne possède que quatre plaques muletières dont la seule portant une inscription nominative -« JEAN PIERRE DOIX PROPRIETAIRE ARAICHE 1811 » (n° 4)- concerne une localité savoyarde du Beaufortain. Les plaques armoriées dont le blason est chargé d’un dauphin peuvent être considérées comme dauphinoises : César Filhol (Planche III, n° 5) ; Musée du Vieux Nîmes (n° 13) et Musée Saint-Jean-du-Gard (n° 4 et 12). Les plaques savoyardes se résument souvent à une seule plaque frontale (comme le montrent les spécimens de la « collection Amoudruz » au Musée de Genève), parfois pourvues d’une douille pour recevoir le plumet et d’un diamètre de 13 à 17 cm. Elles furent exécutées jusqu’à une époque relativement récente puisque le Musée des vallées cévenoles présente une plaque frontale datée du début du XXe siècle : « REPUBLIQUE FRANCAISE / S MARTIN DE BELLE VIL ST MARCEL SAVOIE / MEILLEUR AUGUSTE / 1902 » (n° 59), Elles dont l’objet de différentes ornementations ainsi que d’inscriptions récurrentes : 1) Ostensoir. 2) Trophée de drapeaux et de canons. 3) Grenades. 4) Croix de Savoie. 5) Armes de la maison Sardaigne-Savoie. 6) Couronne royale. 7) Aigle impériale. 8) Inscription d’une ville. La référence fréquente à « ST MARTIN DE BELLEVILLE » permet à Roger Verdier de qualifier ces plaques de « communales ». 9) Inscriptions nominatives déclinant le patronyme et le lieu d’habitation du propriétaire ou du messager. 10) Ces inscriptions sont souvent gravées à la périphérie de la plaque. La présence d’autres ornements telle la Marianne est plus aléatoire. Van Gennep s’était efforcé, comme à son habitude mais avec des informations très fragmentaires, de recenser les localités savoyardes dans lesquelles la présence de plaques décorées était attestée. A la lumière des nombreux spécimens de plaques muletières récemment mises à jour, on pourra dresser une carte plus précise. Nous ne reprendrons pas l’ensemble des témoignages donnés par d’anciens auteurs qui indiquaient la présence de plaques muletières dans différentes régions. Retenons toutefois :

  • La vallée de Queyras
  • La vallée de l'Eau-d'Olle, en Oisans, qui communique avec la vallée du Glandon et la vallée d'Arve en Maurienne.
  • Les gorges de l’Arly, entre Ugine et Megève (au nord-ouest de Saint-Jean-de-Belleville).
  • Moûtiers, dans la vallée de la Tarentaise.

Nous citons également dans notre ouvrage, en considérant les inscriptions gravées sur les plaques que nous avons pu observer et les régions où la présence de plaques muletières est signalée, un certain nombre de villes dans les villes et départements suivants :

  1- Hautes-Alpes : vallée du Queyras.
  2- Savoie : citons, les villes de Saint-Jean-de-Maurienne, Saint-Martin-Belleville, Champagny en Vanoise, Les Allues, Les Avanchers, Moûtiers, Mâcot, Vulmix, Montvalezan, Peisey (aujourd’hui Peisey-Nancroix), Bourg-Saint-Maurice et jusqu’au Val d’Aoste italien. On ajoutera, au nord-ouest, Arêches dans le Beaufortain, le Val d’Arly  et Ugine.
  3- Haute-Savoie : Ollières ; Mégève.

Nous avons présenté un certain nombre de plaques savoyardes et, en particulier, plusieurs plaques qui mentionnent la même localité à l’exemple de Saint-Martin-de-Belleville (Vanoise) et que Roger Verdier classe parmi les « plaques municipales ». Citons également Avenchers (aujourd’hui Avenchers Valmorel) ; Champagny (aujourd’hui Champagny-en-Vanoise) ; Macot (aujourd’hui Mâcot-la-Plagne en Tarentaise) ; Vulmis (aujourd’hui Vulmix, Tarentaise) ; Montvalezan (Haute-Tarentaize), etc.

Les plaques dites « cévenoles »

Les articles d’Arthur de Cazenove, d’André Philippe et de Marius Balmelle circonscrivaient les plaques muletières au Gévaudan, au Rouergue, aux Cévennes et, avec César Filhol, sur les bords du Rhône. A une date plus récente, Martine Nougarède avait encore de bonnes raisons (en traitant des « plaques muletières » du Musée du Vieux Nîmes) et même si l’auteure consacre un paragraphe aux muletiers convoyeurs de sel depuis la mer jusque vers les montagnes, de considérer les Cévennes, le Vivarais, le Velay et le Gévaudan comme des régions privilégiant l’usage des plaques muletières. Pourtant, si la prise en compte de plusieurs facteurs montre le caractère géographiquement trop restrictif de la formule « plaques cévenoles » :

  1- La ville du Puy, centre supposé « girateur » de la fabrication des plaques muletières, n’a jamais été cévenole. 
  2- Les convois muletiers  parcouraient souvent de longues distances qui les amenaient à « rouler leurs lunes » sur des terres bien éloignées des Cévennes ou du Velay. 
  3- L’origine des muletiers dépasse de beaucoup les seules Cévennes. 
  4- De nombreuses « lunes » ont été trouvées dans d’autres régions. Voir notre ouvrage dans lequel nous mentionnons des plaques muletières trouvées dans l’Aveyron, le Gard, l’Hérault, la Drôme, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône.
  5- Une étude reste à faire sur l’origine géographique des muletiers mais les informations dont nous disposons montrent que nombre d’entre eux étaient originaires du Languedoc.
  6- On peut formuler l’hypothèse que d’autres centres de fabrication des plaques muletières -fussent-ils modestes-  devaient exister en dehors des quelques ateliers généralement cités.

Ces remarques nous invitent donc à étendre le « territoire » de nos fameuses « lunes ». En appelant l’ancienne géographie en renfort, nous substituerons la notion de « plaques languedociennes » à celle de « plaques cévenoles ». En conséquence, considérant les Cévennes que l’on pourrait circonscrire de Mende au nord-ouest de la région à Sauves (pour prendre une ville mentionnée sur une « lune » qui se trouvait, selon Daniel Travier, au château du Solier en Lozère) au sud-est de cette zone géographique et la plus grande partie de l’ancienne région du Languedoc (du Puy à l’extrême nord à Béziers au sud-est et à Toulouse au sud-ouest), nous substituerons la notion de « plaques languedociennes » à celle des « plaques cévenoles ». Toutefois, nous verrons que ces propos ne semblent pas remettre en question deux observations : 1- La prédominance des exemplaires d’origine cévenole. 2- Le rôle du Puy (même si le Velay est situé à l’extrême nord de l’ancien Languedoc) en tant que centre majeur de la fabrication de plaques muletières et de la Tour de Pannesac au Puy, considérée comme un des carrefours privilégiés du trafic muletier. Considérant la Catalogne (espagnole et française), la plus grande partie du Languedoc ainsi que le Dauphiné et la Savoie, on pourrait -en l’absence d’études plus précises sur les plus anciennes plaques muletières dans les Alpes françaises et italiennes- oser l’hypothèse qu’à partir (peut-être) de la fin du Moyen Age et jusqu’au XVIIIe siècle (ou avant), l’usage des plaques muletières n’a cessé de remonter du sud au nord.

Classification des plaques muletières

On peut considérer trois sortes de plaques muletières : 1- Les plaques muletières armoriées 2- Les plaques muletières à décorations diverses 3- Les plaques muletières à devise. Les plaques muletières armoriées présentent trois sortes d’armoiries que la « science des blasons » pourrait distinguer : 1) Armes de France, de Savoie, de Dauphiné, etc. 2) Les blasons appartenant à des familles dûment répertoriées dans les « armoriaux ». 3) Les blasons à connotation « entreprenariale » (si l’on peut dire) qui trouvent une relative légitimité dans le fait qu’ils furent « concoctés » par des familles enrichies dans le négoce du vin et disposant d’un corps important de muletiers. 4) Les blasons de pure fantaisie dont, sans doute, l’élaboration résulte du choix du muletier et des « modèles » dont dispose le fabricant. Les plaques présentant des décorations diverses peuvent être confrontées à certains modèles héraldiques tout en offrant un intéressant champ d’investigation relatif aux éventuelles et nombreuses sources d’inspiration. Dans notre ouvrage, nous n’avons pas suffisamment souligné le fait que les plaques muletières à devise étaient essentiellement celles dites « cévenoles ».

Plaques armoriées et plaques à décors divers

De manière générale, on pourrait se demander si le port des plaques muletières ne fut pas d’abord réservé à l’élite des muletiers dans la mesure où, d’une part, elles pouvaient être facilement remplacées par des œillères en cuir qui pourraient jouer le même rôle protecteur tandis que, d’autre part, sur d’anciennes représentations iconographiques, on observe de tels éléments d’apparat sur des mulets dont les propriétaires, relevant de couches sociales diverses, ne participaient pas du trafic muletier proprement dit. D’un point de vue technique, les plus belles « lunes » -à décor la fois repoussé et gravé- sont armoriées ou présentent des décorations diverses. Elles ont été exécutées par des ouvriers professionnels à l’intention des muletiers les plus fortunés.

Les plaques armoriées

Au plan de la description des « lunes armoriées », le recours à la science des blasons, pour nécessaire qu’il soit, ne dispense nullement d’un descriptif original susceptible de rendre le plus fidèlement compte de cet « art appliqué », genre modeste mais à part entière, qu’est celui de la plaque muletière. En effet, la représentation des couleurs n’est pas apparente sur les armoiries présentes dans les métaux et alliages propres aux monnaies, sur la pierre ou le bois et sur le laiton des plaques muletières. Cette difficulté a conduit le graveur de plaques muletières a s’inspirer des « codes » précédemment utilisés dans les différentes représentations monochromes des blasons. Des remarques très importantes qui invitent les spécialistes des plaques muletières à procéder à une sorte de « décodage » ont été formulées par Mme Michèle Bois à ce sujet : « Les plaques armoriées du XVIIIe siècle suivent les codes héraldiques destinés à représenter les couleurs (métaux et émaux) par des pointillés ou des rayures, et figurent souvent des écus ovales avec leurs supports ». En conséquence, le concours d’un héraldiste s’impose dans la mesure où la connaissance des différents systèmes de représentation des couleurs (pointillés, hachures, hachures en barre, hachures en bande, etc.) s’avère nécessaire si l’on veut identifier les émaux censés figurer sur tel ou tel blason reproduit sur une plaque muletière et distinguer les représentations significatives de celles qui ne présentent qu’un aspect décoratif.

Les plaques à décors divers

Les anciens auteurs ont affiché un tel intérêt à la science des blasons qu’ils ont minimisé l’importance des plaques à décors divers. Pourtant, ces « plaques », souvent très originales, conjuguent parfois la qualité d’exécution et la diversité des sources d’inspiration dont participent, tout naturellement, les figures héraldiques. De fait, par un processus de contamination, différentes figures héraldiques (comme l’« aigle aux ailes éployées », l’« aigle bicéphale », la « merlette », le « coq », les différentes variantes de « la croix », les « hommes sauvages », la « sirène », « l’arche à flots », etc.) peuvent figurer indivises en quelque sorte et, de ce fait, échapper à la science des blasons. Sans reprendre les analyses développées dans notre ouvrage, on citera différentes thématiques propres à ce genre de plaques muletières :

  • Le « soleil d’or ».
  • Les « représentations de saints ».
  • Les « symboles religieux » (« croix diverses » ; « clous de la passion » ; « quatre angelots » mis en adoration », etc. ;
  • Les « représentations anthropomorphes ».
  • Les « représentations zoomorphes ».
  • Les « motifs végétaux ».
  • Les « êtres fabuleux ».
  • Les « animaux diaboliques ou fantastiques ».

D’autres thèmes pourraient être relevés à l’exemple de la représentation d’une scène « cynégétique » (Collection de Cazenove, n° 37) ou de la figuration d’un « muletier » : (Planche IX, n° 2 in César Filhol) ; (Collection Cazenove (n° 8) et (vente Artcurial, 2004, n° 157).

Les plaques à devise

Nous avions minoré l’intérêt des plaques à devise en raison de la répétitivité des inscriptions. Ainsi, nous avons répertorié près de soixante « plaques » portant la devise « CONTENTEMENT PASSE RICHESSE … » et autant (à quelques unités près) avec l’inscription « J’AIME LE LIS J’AIME LA ROSE … ». D’autre part, les inscriptions relevées par plusieurs auteurs tendaient à confirmer le caractère assez banal (et le plus souvent « vineux) des légendes inscrites sur les plaques muletières. Une étude plus approfondie des plaques muletières nous a conduit à changer d’avis et cela d’autant plus que les devises précitées jouent le rôle d’incipit auquel s’ajoute une formule secondaire qui diffère souvent d’une plaque à l’autre. Par ailleurs, des plaques apparemment identiques peuvent présenter de petites variantes, d’ordre esthétique ou orthographique, qui les singularisent. Les plaques à devise, d’ordinaire plus tardives que les autres (à l’exception des « vivats royaux »), révèlent un caractère résolument populaire puisqu’elles illustrent un processus qui nous est cher, à savoir que le peuple s’inspire en permanence des modèles des classes supposées supérieures tout en les adaptant à sa manière propre. Il est d’ailleurs singulier de constater que ces plaques qui nécessitent un savoir-faire moindre de la part de l’ouvrier graveur sont celles qui, aujourd’hui, suscitent (à l’exception des plaques armoriées qui attirent toujours l’attention de l’héraldiste) un maximum d’intérêt et de curiosité. Ces « lunes » rendent compte du prestige -si longtemps entretenu- de la formule « plaques cévenoles ». En effet, c’est bien le centre du Puy et d’autres ateliers de proximité (en Ardèche, Lozère et Cantal) qui paraissent avoir eu le quasi monopole de l’exécution de telles plaques. Tout se passe comme si, une nouvelle fois (avec les plioirs à dentelle), le Velay justifiait son ancienne renommée de « temple de l’art populaire » ! L’examen d’un grand nombre de « plaques à devise » montre que les inscriptions -bien loin de se limiter aux formules récurrentes citées par nombre de spécialistes- révèlent une grande diversité. Reprenons, en donnant un seul exemple pour chacun d’entre eux et à l’exception des vivats royaux, la plupart des nombreux thèmes cités dans notre ouvrage qui, déclinant montrent toute la diversité des inscriptions présentes sur les plaques muletières, montrent que l’on a eu raison de privilégier des plaques qui témoignent bien, en fin de compte, d’une expression de l’art populaire. Indiquons seulement au sujet du caractère apparemment fantaisiste de la graphie ou des particularismes orthographiques propres à certaines inscriptions qu’ils peuvent donner lieu à plusieurs interprétations. Les différences orthographiques peuvent donner lieu à plusieurs interprétations liées :

  1- A l’absence de calcul dans la mise en place de la devise (cf.  « « CONTENTEMENT PASSE RICHESSE VIVE LAMOUR SANS TRISTESSE », ce dernier terme étant inscrit généralement « TRISTES », parfois « TRISTESSE » et dans des cas exceptionnels « TRIST »). 
  2- A des défaillances orthographiques : « IAIME SON NOM » et « IAIME SON NON ».
  3- A certains usages. Ainsi « SOUVANT » est également écrit « SOUVENT » et parfois « SOUVEN » tandis que « CONTENTEMENT » est d’ordinaire écrit « CONTENTEMANT » comme en témoignent les cinq plaques sur six de la collection Vallentin portant la devise en question.


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                 Plaques muletières de la collection Vallentin

Retenons surtout les explications données par Mme Michèle Bois au sujet des plaques n° 35 et 59 de la collection Vallentin (« A.LES./.VIVES/EN.PES./FAI A SAIN/FLOUR » et « BACUT/ AIME/ LEBON/ VIN ») : la première a été « probablement rédigée en occitan » tandis que l’orthographe de l’autre exige qu’on la prononce « à voix haute pour l’entendre correctement ».

Essai de classification des « plaques à devise » :

* « plaques à devises récurrentes » : « CONTENTEMENT PASSE RICHESSE … » et « J’AIME LE LIS … »  (présentes, comme on l’a dit, dans de nombreuses collections) ; « J’AIME MARION » (devise souvent citée mais de manière moins récurrente que les deux précédentes).
  • « plaques philosophiques » : « L’AMOUR FAIT PASSER LE TEMPS LE TEMPS FAIT PASSER L’AMOUR » (Musée Crozatier, n° 1369 in Roger Gounot).
  • « plaques amoureuses » : « CONTENTEMANT PASSe RICHESSE W IE EAN BARIAL ET SA METRESE QVI SAIMERONT SANS SESE 1747 » (Musée Crozatier, n° 1399 in Roger Gounot).
  • « plaques galantes » : « EN DEPIS / DE LA IALO/VZIE LS ME / RE S LO QUI l /maimera.Vi/ ve lamovr/ au Pvy» ; « En depis / de la IALO / VSIE JAIme / rai tovte./ MAVIE.CELLe … » (n° 56 et 57, collection Vallentin ).
  • « plaques égrillardes » : « J’AIME SURTOUT VOIR MA LISE SANS ROBE NI CHEMISE 1751 » (Musée Languedocien).
  • « plaques mentionnant la maîtresse » : « WIE JEAN BARIAL ET SA METRESSE QUI S’AIMERONT SANS SES 1747 » (Musée Crozatier, n° 1399 in Roger Gounot).
  • « plaques célébrant la joie » : « JE SVIS CONTANT COMME LE ROYLORSQUE JE BOIS VIVE LA JOYIE 1783 » (Musée Crozatier, n° 1400 in Roger Gounot).
  • « plaques épicuriennes », « A CELUY QUI A BON APPETIT IL NE FAUT POINT DE SAUCE NI MOUTARDE » (Musée des vallées cévenoles, n° 45).
  • « plaques hédonistes » : « FEMME JOLIE ET DU BON VIN VOILA LE VRAI BIEN DE CE MONDE » (Musée Paul Dupuy de Toulouse, n° 3).
  • « plaques qui marquent une méfiance pour le vin » : « DANS LE VIN ON DIT LA VERITE QUI BOIT TROP RISQUE DES’ENIVRER 1778 » (Collection privée).
« plaques célébrant l’amitié   : « UN  BON / AMI  VAVT  /  MIEUX  QUE  /  CENT  /  PARENTS  /  W  LES BONS / ENFANTS  /  1780 » (Musée des vallées cévenoles,n° 35).
  • « plaques « moralistes » : «VIVE L’HOMME DE PROBITE VIVE LA LIBERTE » (Musée Crozatier, n° 1367 in Roger Gounot).
  • « plaques clamant la privauté du libre-arbitre » : « C’EST A MON GOU QUE JE LE FAIS 1769 » (Folk-collection).
  • « plaques misogynes » LA FEMME A LES LEVRES DE MIEL ON NEN A GOUTE QU’IL VIENT PLUS AMER QUE » (Musée Crozatier, n° 1382 in Roger Gounot)
  • « plaques humoristiques » : « JE PORTE MON CŒUR A LA MAIN CAR DE LAUTR JE BOIS » (Collection Cazenove, n° 17).
  • « plaques existentielles » « L’ETE ON PREND LE FRET APRES QU’ON A SOUPE 1808 » (citée par César Filhol).
  • « plaques à légende proverbiale » : « JE SVIS CONTENT COMME LE ROY VIVE LA IOYE LHOPITAL BRVLE 1782 » (Collection Vallentin, n° 36).
  • « plaques à devise à double sens » : (« FAUTE / D’UN POINT / MARTIN . EN / JOUANT / PERDIT /SON .ANE/ 1789 » (collection Vallentin, n° 56).
  • « plaques humoristiques » (dans le genre « humour noir ») : « BIENHEUREUX CELUI QUI EST ASSURE D’ETRE PANDU CAR IL N’A PAS PEUR D’ETRE NOYE 1758 ») (Musée de Mende).
  • « plaques religieuses » (le plus souvent associées à la représentation d’un saint ou de la Vierge).
  • « plaques protestantes ».
  • « plaques royalistes faisant apparaître la notion de loi » : « VIVE LA NATION LA LOY ET LE ROY EN DEPIT DE L’ARISTOCRATI » (Collection René Richard, n° 33).
  • « plaques suggérant une monarchie parlementaire » : « VIVE LE ROI VIVE NEKER 1789 » (Musée Crozatier, n° 1366 in Roger Gounot).
  • « plaques à connotation républicaine » : Le terme « ROY » a été effacé sur la plaque « VIVE LA NATION LA LOY ET LE ROY EN DEPIT DE LARISTOCRATI » (Collection René Richard, n° 33).
  • « plaques républicaines » : « J’AIME LA REPUBLIQUE » (citée par Paul Duchein).
  • « plaques impériales » : « VIVE L’EMPEREUR 1806 » (Musée Paul-Dupuy Toulouse, n° 18).
  • « plaques politiques » : « QUIL Y A EUT DU TROUBLE EN FRANCE L’ANNEE 1789 » (Musée Crozatier, n° 1364 in Roger Gounot).
  • « plaques dont la devise se résume à un « vivat » accompagné d’un seul prénom » : « VIVE JEAN PIERRE BON ENFANT » (Musée Crozatier).
  • « plaques portant seulement des initiales » : « MALGRE LA JALOUSIE J’AIMERAI TOUTE MA VIE CELLE QUI M’AIMERA VIVE LE ROI DE FRANCE CR 1739 » (Musée Languedocien).
  • « plaques patronymées » : « J’APARTIENS A LOUIS RICAR E MARIE REBOUL » (Collection René Richard, n° 12).
  • « plaques localisées et datées » : « SOLIGNAC AN 7 » Musée Paul Dupuy Toulouse).
  • « plaques patronymées et localisées » « CONTENTEMENT PASSE RICHESSE VIVE FRANCOIS RAVEL DE BARREME ET ANNE SA MAITRESSE » (citée par pierre Colomb).
  • « plaques patronymées et datées » : « 1734 VIVE JOSEPH BOVRRE BONT ANFANT » (Musée Crozatier, n° 1371 in Roger Gounot).
  • « plaques patronymées et localisées » : « JEAN JACQUES MARTIN DE VULMIS » (citée par César Filhol).
  • « plaques patronymées, datées et localisées » : « VIVE PINEDE AV PUY 1760 » (Musée Crozatier, n° 1394 in Roger Gounot).
  • « plaques patronymées, localisées et professionnalisées » : « CONTENTEMANT PASSE RICHESSE VIVE DUFOUR ET SON EPOUSE MESSAGER DE SAUVES EN LANGUEDOC » (Collection René Richard, n° 1).
  • « plaques patronymées, datées, localisées et personnalisées » : « E / FEANAN / TOINE CHA / BON BOUFEUR / DE. VILLE FOR / BONENFAN / T QUI PAYE / 1805 » (Museon Arlaten, n° 8).
  • « plaques précisant le lieu de fabrication » : « VIVE LA LOI LE ROI ET LA NATION AU PUY 1791 » (Collection Cazenove, élément de bridel, n° 43).
  • « plaques précisant le lieu de fabrication et le patronyme du fabricant » : « VIVE LES BONS ENFANTS QUI BOIVENT DU BON VIN SOUVENT FAIT A MENDE CHEZ BOUNIOL » (Musée Languedocien).
  • « plaques précisant seulement le patronyme du fabricant » : « DAIMAIS PERE » (Collection Jouvin, plaque frontale du bridel n° 7, citée par César Filhol).
  • « plaques portant les initiales du fabricant » : Saint-Pierre agenouillée avec le coq à dextre et les clefs et le livre à senestre. Majuscules « ST P. » ((Musée Crozatier, n° 1363 in Roger Gounot) ; Vierge noire du Puy avec inscription circulaire : « NOTRE DAME DU PUY F. T. R. » (Musée Crozatier, n° 1374 in Roger Gounot) ; « St FLOVR IB » (Musée Crozatier, n° 1380 in Roger Gounot) ; « VIVE JB FOUILLOUX BON ENFANT QUI PAIE A BOIRE SOUVENT FAIT AU PUY F. T. 1826 » (Collection Paul Jouvin, plaque frontale, bridel n° 2, citée par César Filhol) ; « MALGRE LA JALOUSIE J’AIMERAI TOUTE MA VIE CELLE QUI M’AIMERA VIVE LE ROI DE FRANCE CR 1739 » (Musée Languedocien).

Plaques détournées et fausses plaques

Nous renvoyons le lecteur aux chapitres que nous avons rédigés à propos de ces deux sujets. Notons que de nombreux critères permettent de détecter les fausses plaques : 1) L’épaisseur inhabituelle et le manque de rigidité de la »plaque ». 2) La maladresse d’exécution et la fantaisie de certaines inscriptions. 3) L’absence ou le positionnement inhabituel des trous de fixation qui permettent de passer les petites courroies qui relient la plaque à la bride.

Les ateliers de fabrication des plaques muletières

Dans l’attente de réelles informations relatives aux ateliers pyrénéens et savoyards, nous avons limité nos propos aux plaques dites cévenoles. Au demeurant, le silence des archives nous conduit à circonscrire nos remarques aux informations délivrées par un certain nombre de « lunes ». Ainsi, on constate que Le Puy est très souvent mentionné tandis que 4 autres villes font l’objet de citations : Annonay (Ardèche) : 3 fois. Saint-Flour (Cantal) : 3 fois. Mende (Lozère) : 1 fois. Massiac (Cantal) : 1 fois. Sans doute, convient-il de ne pas accorder à ces remarques davantage d’intérêt qu’elles n’en ont. En effet, il est peu concevable que Mende n’ait pas produit davantage de plaques muletières que Massiac. De même, si l’on peut avoir une assez bonne idée de la fabrication ponote, le nombre très limité de « plaques » mentionnant quatre autres cités (Annonay, Saint-Flour, Mende et Massiac) ne permet que de formuler des hypothèses relatives aux éventuels ateliers présents dans ces villes. On peut penser, avec Roger Gounot, que l’exécution des belles plaques à décor repoussé était réalisée au Puy, ville qui a toujours disposé d’un important contingent d’orfèvres et de fondeurs émérites. Toutefois, le mieux-disant technique et même la qualité esthétique d’une plaque muletière ne sont pas vraiment révélateurs de cet « art brut » dont témoignent les ouvrages populaires les plus affirmés. Les ouvriers plus ou moins spécialisés dans la fabrication des plaques muletières appartenaient à différentes catégories d’artisans et disposaient d’outils plus ou moins adaptés à ce genre de travail. Ainsi, une « plaque » trop épaisse, trop mince ou trop souple peut révéler un travail exécuté par un ouvrier occasionnel ou peu spécialisé. Le Musée des vallées cévenoles présente deux plaques à devise « I’AIME MARION IAIME SON NON » (n° 32) de facture très différente ; la première comporte, dans le champ, les quatre angelots ailés traditionnels et la devise inscrite entre cinq frises perlées dans un quadrilatère ; la seconde se contente de la seule inscription « IAIME / MARION / IAIME SO / N NOM » (n° 67) seulement séparée par cinq lignes de points que termine une fleur de lis accostée de deux étoiles. Ajoutons qu’une troisième plaque reprend très exactement le protocole décoratif de la première avec l’inscription : « IAIMELE / ° LIS° IAIME / ° LAROSE ° IAI / MELHONEVR / SUR ° TOVTE ° / °CHOSES » (n° 34). Ces constatations pourraient confirmer les attributions de la première et de la troisième plaque à un atelier ponot et la deuxième à un atelier moins renommé. Néanmoins, on peut penser que plusieurs ateliers produisant des plaques muletières de qualité très différente coexistaient au Puy. A cet égard, la « lune » acquise par Mme Andrée Barthomeuf est plus instructive que d’autres plaques de meilleure facture s’il est vrai qu’elle montre que toutes les plaques fabriquées au puy n’étaient pas d’une grande qualité technique. En effet, il s’agit d’une assez grande plaque (18 cm) portant sur toute sa surface l’inscription malhabile en lettres pointillées : « JEAN VIDAL AU PUY 1771 », accompagnée d’une fleur de lis (également réalisée en pointillés) avec, au-dessous, la légende « LE ROY ». En conséquence, on peut attribuer l’exécution de cette plaque à un artisan peu spécialisé dans ce genre de travail.

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Plaque exécutée au Puy (Collection Andrée BARTHOMEUF)

La fabrication des plaques muletières

Voir dans notre ouvrage les remarques relatives aux fondeurs », « bridiers », « chaudronniers », « potiers d’étain », ouvriers itinérants ainsi qu’aux simples paysans qui ont pu exécuter des plaques muletières. Voir également les différentes techniques de fabrication (« gravure au burin » ; « repoussage » ; « estampage », etc.) et les différents outils utilisés (« emporte-pièces » ; « matrice » ; « poinçon », etc.).

Datation des plaques muletières

La date la plus ancienne relevée sur une plaque muletière pourrait être celle de la collection Paul Jouvin présentant un médaillon à écoinçons chargé d’une fleur de lis, surmonté d’une couronne pleine avec devise en périphérie « VIVE LA FLEUR DE LYS 1543 » (Planche VII, n° 5 in César Filhol). Plusieurs plaques sont également datées des années 1560. Roger Verdier assigne, aux plaques les plus anciennes (XVIe siècle) de la collection René Richard, une origine pyrénéenne. Il conviendrait de déterminer si les autres plaques, aussi anciennes mais relevant d’autres collections, ont la même origine. A l’exception des plaques à « vivat royal », les plaques à devise sont plus récentes. A notre connaissance, la première « plaque à devise proprement dite » est celle du Musée de Genève qui porte l’inscription « CONTANTEMANT PASSE RICHESSE », sommée d’une croix et datée 1670.

Le Musée Languedocien

Nous ne reprendrons pas ce qui a été dit, dans notre ouvrage, au sujet du Musée Languedocien de la « Société archéologique de Montpellier ». Rappelons simplement que, requérant des renseignements sur la collection de plaques muletières que possédait la « Société d’archéologie de Montpellier », César Filhol recevait, en février 1919, une fin de non-recevoir de la part de celle-ci qui, alléguant un « devoir d’association », désirait présenter elle-même un travail sur ces objets.

         Nous avons trouvé, tout récemment, auprès d’un bouquiniste, le Compte-rendu des travaux de la Société Archéologique de Montpellier pendant les années 1932-1950 (2e Série, tome XI, 1958). Force est de constater que les plaques muletières ne font l’objet (à la différence d’autres sujets comme les jetons, les monnaies,  poteries, les poteries ou les fers à gaufre)  d’aucune mention.

On relèvera, lors de la séance du 9 mai 1942, un éloge de la loi du 11 août 1941 relative à l’organisation des musées dont on a déjà montré qu’elle en disait long sur la prétendue politique des « musées paysans » du gouvernement en question.

Sur quelques plaques savoyardes non répertoriées

Plusieurs lecteurs nous ont adressé des photographies de plaques muletières qu’ils ont collectées. C’est le cas de J. Provot qui nous fait parvenir deux brides savoyardes à plaque frontale. Les inscriptions portées sur les plaques muletières de ces brides font référence à deux villes dont nous retrouvons les noms sur d’autres plaques citées dans notre ouvrage : Bellentre et Montvalezan. J. Provot précise : « j'ai remarqué par ailleurs dans les plaques savoyardes que la plupart des plaques datées après 1860 (rattachement de la Savoie à la France) portent des décors à la couronne impériale ou aux canons et drapeaux, donc des motifs patriotiques alors que précédemment, nous avons plutôt des motifs religieux ». Les versions de l’armorial de la Savoie sont nombreuses. Les plus anciennes paraissent représenter une aigle de sable aux ailes éployées ou une croix d’argent. Par ailleurs, au gré des annexions successives, les ducs de Savoie ajoutèrent différents quartiers à ces armes. D’autre part, les blasons des familles nobiliaires sont également à prendre en compte ainsi que, pour les plaques muletières postérieures à 1860, les armoriaux des communes de Savoie et de Haute-Savoie. Enfin, des plaques antérieures à 1860 comportent canons et drapeaux. Une nouvelle fois, il conviendrait, à partir des plaques savoyardes que nous pouvons observer, d’en référer à des spécialistes de l’héraldique

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                        Plaque savoyarde avec inscription : Jean Biolay de Bellentre 1832 (Collection J. Provot)
 

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   Plaque savoyarde avec inscription : Buthod Jean Michel de Montvalezan 1875 (Collection J. Provot)



Le 4 de chiffre

J. Provot s’interroge également sur la signification du 4 de chiffre évoqué dans notre ouvrage. Certains de nos lecteurs qui se passionnent pour l’œuvre de René Guénon pourront approfondir le symbolisme de ce chiffre qui, associé à la croix, est considérée comme l’expression du quaternaire. Nous avons constaté que, sur plusieurs plaques muletières, le chiffre 4 se combinait, dans sa partie inférieure, à d’autres lettres ou monogrammes. Des 5 hypothèses mentionnées par César Filhol, il convient de retenir celle qui assimile le quatre de chiffre à un « emblème symbolique du commerce laïque ». On peut penser, en effet, qu’il s’agit d’une « marque corporative » propre à certaines professions dont les monogrammes ou les signes occupant la partie inférieure peuvent être en relation symbolique avec le métier en question. Ainsi, on attribue souvent un cœur surmonté par le chiffre quatre au métier d’imprimeur. Notre informateur nous invite à relire l’ouvrage de Chantal & Gilbert Maistre & Georges Heitz Colporteurs et marchands savoyards dans l’Europe des XIIIe et XVIIIe siècles (1993) qui délivre plusieurs informations :

1- Cette marque est formée « d’un chiffre quatre, surmontant un cœur ou une ancre. La Barre verticale du 4 est allongée, en une sorte de hampe, parfois coupée d’une ou deux traverses horizontales. Des palmes, étoiles et d’autres motifs ornementaux personnalisent la marque, comme aussi les initiales des marchands ».

   2- La partie supérieure du chiffre 4 est toujours fermée et dessine un triangle qui évoque la Trinité ».
   3- La hampe à une barre représente la croix du Christ, la hampe à deux barres, la croix de Lorraine. 
  4- Le cœur et l’ancre qui se trouvent dans la partie inférieure de cette marque ne seraient pas représentatifs d’un métier mais symboliseraient respectivement l’amour et l’espérance.
  5- Le quatre de chiffre  est originaire des pays alémaniques.
  6- Il paraît avoir une signification religieuse et représenter un symbole marchand. 
  7- Il est le propre des riches marchands qui l’utilisent à la fois comme « sceau commercial » et comme « blason » gravé dans la pierre ou sur toutes sortes d’objets.

On peut observer que le quatre de chiffre ne figure sur aucune des 120 plaques du Musée Crozatier qui ont été, pour l’essentiel, collectées dans les départements de la Haute-Loire et de la Lozère. D’autre part, ce symbole n’apparaît pas sur les plus anciennes plaques (datées du XVIe siècle par Roger Verdier) provenant de la collection René Richard. A la lumière des remarques de Chantal et Gilbert Maistre et de Georges Heitz, on pourrait attribuer une origine savoyarde aux plaques précédemment décrites. Ainsi, la plaque n° 13 (non localisée par Roger Verdier) de cette collection (décor gravé et repoussé, deux anges soutenant un écu couronné présentant le monogramme de la Vierge AM en majuscules entrecroisées et du 4 de chiffre formant croix de Lorraine) n’est-elle pas savoyarde ? La prise en compte de la datation du XVIIe siècle ferait de cette plaque, dans ces hypothèses, un exemple des plus anciennes plaques savoyardes connues à ce jour.

Les 6 plaques et la « cabeçada » du Musée Pyrénéen de Lourdes Avec ses moyens propres et en fonction des connaissances apportées par ses prédécesseurs, chaque auteur s’évertue à apporter une contribution plus ou moins pertinente relative à tel ou tel sujet de prédilection. Nous n’avons pas dérogé à la règle tout en nous efforçant de recenser les différents musées présentant une collection (plus ou moins importante) de plaques muletières. Il est bien évident que les 15 musées mentionnés dans notre ouvrage ne constituent pas une liste définitive. Nous sommes persuadé que nos lecteurs auront à cœur de compléter ce panel. Nous avons contacté vainement de très nombreux musées mais M. Claude Richard nous a indiqué, avec le Musée Pyrénéen de Lourdes (le 16e dans notre répertoire), une piste plus fructueuse qui nous a permis d’entrer en contact avec le conservateur de ce musée Mme Agnès Mengelle, qui nous a adressé les photographies de 6 plaques muletières. Il s’agit, tout d’abord, de 4 frontaux de mulet qui sont entrés au musée en 1921. Ces frontaux sont répertoriés au n° 181 dans le catalogue Cinquante ans d’acquisitions au Musée Pyrénéen 1920-1970 publié à l’occasion de l’exposition de 1970. Ils figurent aux numéros 21.1.645 ; 21.1.646 : 21.1.647 et 21.1.648 avec l’indication suivante : « Quatre frontaux de mulet en cuivre représentant, l’un, la Vierge portant l’enfant, les trois autres Saint-Eloi. D. 135 ». Mme Agnès Mengelle nous a adressé les photographies de ces 4 plaques muletières en précisant qu’elles proviennent des Pyrénées Orientales. Toutefois, on constatera que - contrairement au descriptif du catalogue précité- toutes ces plaques sont dédiées à la Vierge portant l’Enfant Jésus, aucune figuration de saint-Eloi n’étant représentée. Par ailleurs, les techniques du pointillé, du « hachurage » et de l’estampage pour de menues décorations ne confèrent pas à ces plaques une grande qualité esthétique. En revanche, le fontal de la « cabeçada » représente bien saint-Eloi. Une photographie de cette bride muletière figure dans le catalogue précité (Planche XXI). Elle fait l’objet du descriptif suivant au n° 179 : « Partie du harnachement posée sur la tête de la mule, cuir bordé de blaireau et orné de motifs constitués par des clous de cuivre. Pompons rouges et bleus accrochés ou pointé sur le cuir. La cabeçada est accompagnée du frontal, disque de cuivre représentant saint Eloi. H. 730. INV. 37.1.8. Acquisition 1937 ». Rappelons que, dans son précieux opuscule, le Dr Charvet avait montré l’évolution de la bride pyrénéenne initialement pourvue d’un plumet, du frontal (plaque muletière), d’un couvre-naseaux et de miroirs. Au milieu du XIXe siècle, la « cabeçada » s’allège tandis que le plumet et la plaque muletière disparaissent. La « cabeçada » du musée de Lourdes est un prototype de l’ancien modèle.



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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes


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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes


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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes


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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes

A ces quatre frontons s’ajoutent deux autres plaques dont Mme Agnès Mengelle nous adresse également les photographies :

  • La première plaque présente un disque latéral à l’intérieur duquel est inscrite une croix à quatre branches pattées. Cette plaque comporte une charnière de fixation.
  • La deuxième plaque est constituée d’un disque central d’où partent de 4 branches ancrées et trois branches pattées (l’une semble faire défaut). Cette plaque a-t-elle été utilisée en tant que frontal ? La branche rognée comportait-elle un système de fixation ?

Ces deux plaques n’ont pas fait l’objet d’un descriptif et ne figurent pas dans le catalogue. Sont-elles bien originaires des Pyrénées Orientales ? Nos lecteurs ne manqueront pas d’observer une ressemblance frappante entre la plaque à branches pattées du Musée Pyrénéen de Lourdes et la plaque, originaire de Ligurie, du Musée d’Ethnographie de Genève (donnée en 1884 par Hippolyte Jean Gosse) que nous avons reproduite dans notre ouvrage (p. 46).



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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes


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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes




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                    Plaque muletière du Musée Pyrénéen de Lourdes



Remarques générales

Généraliste de l’art populaire, nous n’avons fait, dans « Des lunes belles comme des soleils », qu’ouvrir certaines pistes de réflexion relatives aux plaques muletières. D’autre part, tout en comptant un nombre extrêmement limité de souscripteurs, nous travaillons sur des sujets divers dont les choix s’imposent à nous pour des raisons aléatoires. Ces propos expliquent pourquoi nous n’avons pas vocation à publier une seconde édition de chacun de nos ouvrages même si nous voudrions rectifier certaines de nos erreurs et, à partir des informations nouvelles que nous découvrons au gré de nos lectures et des témoignages de nos lecteurs, compléter nos analyses. Faute d’une seconde édition, cet article contribue, modestement, à compléter certaines informations données dans notre ouvrage. Des recherches dans de nombreuses directions doivent être entreprises en commençant par compléter la liste des musées possédant des plaques muletières. Nous avions présenté les collections de 15 musées mais il est bien évident que cette liste n’est pas exhaustive. Dans l’attente d’autres informations fournies pas nos lecteurs, nous avons donc ajouté dans cet article, en comptant le frontal de la « cabeçada », les 7 plaques du Musée Pyrénéen de Lourdes. Les différents auteurs qui se sont penchés sur le sujet ont distingué les trois grandes régions (Pyrénées françaises et espagnoles ; Savoie ; Cévennes) dont le relief suffisamment accidenté avait, d’une part, suscité l’apparition et le développement d’un trafic muletier et où, d’autre part, la bride du harnachement de cet animal de bât était pourvu d’une ou plusieurs plaques muletières. Notons que René Richard tendait à substituer la notion de Massif Central à celle de Cévennes. Nous n’avons fait que poursuivre dans le sens de cette extension géographique en étendant les Cévennes à une grande partie de l’ancien Languedoc. Par ailleurs et comme on l’a vu, d’autres plaques de mulet ont été trouvées dans d’autres régions européennes. La localisation des ateliers ou des artisans -plus ou moins importants,- fabriquant des plaques muletières pose de nombreux problèmes. Nous pouvons récapituler un certain nombre d’informations :

Plaques dites « languedociennes »

  1- La ville du Puy peut être considérée comme un important centre de fabrication.
  2- D’autres plaques ont été exécutées en Lozère (Mende), Ardèche (Annonay), Cantal (Saint-Flour et Massiac).
  3- Ces plaques présentent une grande variété de décors tant au plan des blasons  que des ornements ou de la représentation des saints.
  4- Les plaques à décor repoussé sont peut-être plus anciennes que les plaques à devise.
  5- Les plaques à devise sont nombreuses. Elles semblent incarner, davantage que les autres, une forme d’art populaire.

Plaques savoyardes

  1- Elles paraissent présenter un décor plus stéréotypé que les précédentes.	
  2- Les inscriptions se contentent de préciser le patronyme et l’origine géographique du muletier. Les devises proprement dites sont rares.
  3- Toutefois, la détermination de l’origine géographique de certaines plaques muletières pose problème. En effet, si certains décors (croix de Savoie, ostensoir, drapeaux, canons, etc.) ne prêtent pas à l’équivoque, on peut attribuer à la Savoie certaines plaques représentant Saint-Antoine

Plaques pyrénéennes

  1- La confrontation des plaques pyrénéennes de la collection René Richard et celles du Musée de Lourdes ne contribue pas à simplifier les choses. Les premières sont de bonne facture tandis que les secondes (à l’exception de la plaque ornant la  « cabeçada ») présentent un décor très simplifié.
  2- On peut penser que les plaques du Musée de Lourdes ont été exécutées par de modestes artisans. Rappelons que, dans une lettre en date de Mars 1884, Elie Vidon précisait que les plaques qu’il avait adressées au Dr Charvet provenaient de chez Teil François bourrelier bâtier à Arles sur Tech  (Pyrénées Orientales). On constate, par conséquent, que de modestes artisans exécutaient des plaques muletières à la fois dans les Pyrénées et dans le Massif Central (cf. plaque du Musée César Filhol réalisée par « Vincent Billio bridier d’Annonai »).  
  3- Notons que le cousin et correspondant du Dr Charvet mentionnait également² la présence fréquente de saint-Eloi sur les plaques provenant des Pyrénées orientales : « De là cette uniformité de gravures, de plaques qui portent les empreintes de saint Eloi patron des forgerons. A Corsavy et à Arles sur Tech, on célèbre encore toutes les années la fête de St Eloi ».
  4- Lors de la séance du 7 novembre 1883 la Société Archéologique de Tarn et Garonne, M Edouard Forestié présente plusieurs plaques muletières en usage dans le Roussillon au début du XIXe siècle représentant saint Eloi et saint Antoine de Padoue.
  5- Toutefois, des plaques pyrénéennes à devise sont susceptibles d’être mentionnées puisque, lors de la séance suivante du 5 décembre 1883, M Edouard Forestié présente un autre plaque, également trouvée dans le Roussillon, « qui porte une inscription galante, gravée en plusieurs lignes avec des caractères carrés ». 
  6- On peut penser que l’analyse des plaques pyrénéennes implique sans doute la collecte de plaques exécutées en Espagne. C’est déjà ce que sous-entendait, en 1884, un informateur d’Elie Vidon : Le père Pibell m’a dit que les plus belles de ces plaques se fabriquaient en Espagne ».



Conclusion

Au terme de notre étude, nous avons considéré les plaques muletières en tant qu’authentiques objets d’art populaire tant au plan de l’expression que de l’appréhension. En effet, qu’elles remontent aux calendres grecques, aux phalères romaines ou non, il s’agit de pièces ornementales dont les muletiers, ressortissants des couches les moins favorisées des populations rurales, empruntèrent l’usage à des classes sociales plus favorisées. D’autre part, l’approche de ces pièces d’apparat relève éminemment de l’art populaire s’il est vrai que, contrairement aux apparences, elle suscite une kyrielle de questions, les anciens auteurs n’ayant pas jugé bon de s’interroger sur des objets qui appartenaient à un monde qui n’était pas le leur ou auquel ils étaient devenus étrangers. Quant aux plus modestes qui en connaissaient un bout sur la question, on sait que l’oralité était, à de rares exceptions près, leur seul mode d’expression. S’il est réservé à des collectionneurs isolés ou à des conservateurs hors normes de faire partager la portée émotionnelle et esthétique de ces objets d’anthologie, seul un aréopage d’experts internationaux est capable d’en démêler les nœuds gordiens. Pour l’instant, nous en sommes souvent réduits à compiler les informations données par certaines inscriptions. Sans doute, les datations les plus anciennes apportent de précieux renseignements sans préjuger véritablement de l’origine historique du prototype en question. Ainsi, la plaque (reconvertie en écumoire) montre que la devise « CONTENTEMANT PASSE RICHESSE » était déjà d’actualité en 1670 à l’exclusion de toute référence antérieure. D’autre part, cette plaque qui figure dans les collections du Musée d’Ethnographie de Genève » provient-elle réellement de Maurienne ? Dans l’affirmative, il conviendrait encore de mettre en évidence les signes distinctifs qui confortent cette origine géographique. On voit qu’il reste encore bien des choses à apprendre sur les plaques muletières !

2012 nov. 17

ALBERT BOISSIER : ECRIVAIN "APPELOU"

Entre la Tour-Varan et le Corbusier : ALBERT BOISSIER

  
        Nous croyons utile de rappeler les efforts prodigués par nos soins pour faire connaître l'oeuvre d'Albert Boissier (1878-1953) à travers, notamment, la publication de l'ensemble des notes contenues dans les différents carnets tenus au jour le jour par l'écrivain de Firminy entre 1910 et 1953.  En effet, dans un article paru le 20 août 2012 dans le journal "La Tribune - Le Progrès", Jean Vigouroux, Président de la Société d'Histoire de Firminy, trouve le moyen de consacrer un article à "De précieux carnets" sans faire la moindre allusion à nos publications.
        Cette attitude qui frise la malhonnêteté intellectuelle peut surprendre venant d'un homme -successivement instituteur et directeur d'école- censé avoir enseigné "l'humanité en l'homme" (pour reprendre la plus belle définition du métier d'instituteur) mais elle ne nous étonne pas s'il est vrai que nous aurions envie -à la lumière de nos propres expériences- d'écrire un "livre noir" sur les associations. En effet, à côté du concert de louanges -souvent mérité- que l'on adresse à ces organismes dénués de but lucratif, il faut également citer de nombreux cas  où  la vanité,  l'amour-propre et la jalousie se parent de la belle expression "défense du patrimoine".
        Mais laissons là ces amers propos pour en venir au "noeud du débat" qui concerne ALBERT BOISSIER, l'écrivain appelou (de Firminy) qui nous "détourna" si souvent de notre incessante quête "d'objets du terroir" dans la mesure où bien des préoccupations de l'écrivain rejoignaient notre "défense et promotion" de l'art populaire.
        Albert Boissier fils -le « Bab »- fit partie de la première équipe qui -dans le sillage de Bernard Besson- sauva le château des Bruneaux d’une démolition -sinon programmée- sans doute préinscrite à l’inventaire du martyrologe des antiquités. A ce titre, Albert Boissier fils participa de l’hommage rendu à son père dans ce même château (cf. ouverture de la « Bibliothèque Albert Boissier ») suivi, en janvier 1972, par l’inauguration en grandes pompes de la rue Albert Boissier. Toutefois, à ce moment, l’œuvre de l’historien de la ville (constituée essentiellement d’articles parus dans des revues régionales) restait très confidentielle en dépit du rôle précédemment joué par plusieurs admirateurs de l’écrivain -comme les journalistes Jean Bourgin ou Gabriel Rolle- qui s’employaient à la faire connaître.


Publication des carnets d’Albert Boissier

  
         En 1989, Albert Boissier fils nous confia la part la plus importante des notes manuscrites de son père encore à sa disposition. Nous avons dit combien ces notes « sur le vif » correspondaient à notre « culte de l’objet « dans son jus ». Ces notes étaient essentiellement rédigées sur 6 carnets chronologiques et 2 petits carnets thématiques auxquels s’ajoutaient de nombreuses feuilles volantes et divers documents que nous détaillerons dans la partie « Annexes ». 
         Nous avions alors prévu -à partir de lectures réitérées des carnets mis à notre disposition- la publication de 5 ouvrages pour rendre compte de l’ensemble de ces notes. Les quatre premiers tomes ont fait l’objet d’une parution aux dates indiquées entre parenthèses tandis que, dans notre esprit, le dernier ouvrage devait constituer deux parties interdépendantes :
                    I-    Croyances et traditions dans la région de Firminy (1990) : 281 pages (dont 120 pages de "Notes")
                   II-    Les travaux et les jours (1992) : 230  pages (dont 88 pages d'"Annexes thématiques")
                  III-    Chroniques historiées de Firminy et de sa région (1995) : 161 pages
                  IV-    Ephémérides appelouses (1997) : 150 pages)
                 V1-   Le parler populaire de la région de Firminy
                 V2-   Le langage patois de la région de Firminy
          De manière à reproduire de la manière la plus exacte ces notes, nous avions choisi de publier « intégralement » les textes en appliquant la règle de non-omission (au risque de reprendre les mêmes informations) et avec « intégrité » (en maintenant les textes dans leur état originel avec les erreurs et les inachèvements éventuels). 
           Les notes des carnets présentaient une grande diversité (les unes se résumaient à une ou deux lignes ; les autres comportaient plusieurs pages) et une hétérogénéité de fond (certaines notes abordant plusieurs thèmes). En conséquence, renonçant à la numérotation d’Albert Boissier, nous avons substitué l’ordre du « fragment » à la chronologie de la « note » en conservant seulement « indivis » les notes homogènes et en divisant les autres en autant de parties qu’elles incluaient de thèmes. De manière à donner au lecteur les clefs de notre travail de classification -tout en lui permettant de situer dans le temps les notes d’Albert Boissier- nous avons systématiquement précisé -en exergue- le titre et le numéro de la note auquel chaque fragment renvoyait.
         Il va sans dire que nous avons été confronté, en permanence, au problème des interférences. Ainsi, des très nombreux fragments patois qui ont été intégrés à l’une ou l’autre des précédentes publications et qui -de manière générale- ne sont pas reprises par Jean-Yves Rideau. Néanmoins, la partie « Annexes » renvoie à ces extraits non exploités. 
       Les lecteurs particulièrement intéressés par les travaux d’Albert Boissier se reporteront aux « notes préliminaires » données dans les précédents ouvrages qui précisent l’esprit (transcription de témoignages pris sur le vif et observations de l’auteur) ; le caractère (numérotation, datation, localisation et attribution des notes) et la morphologie (brèves notations ou analyses substantielles abordant une ou plusieurs thématiques) des différents carnets.
      Ces mêmes notes préliminaires rendent compte du parti pris de notre classement et de notre volonté de publier l’intégralité des notes dans la mesure où les apparentes redondances ne sont nullement dénuées d’intérêt en confirmant, par exemple, la « prégnance » -à défaut de la  « vérité »- d’un témoignage antérieur.
      Le titre générique -« Carnets d’un folkloriste »- de ces différents ouvrages peut susciter des interrogations dans la mesure où Albert Boissier est essentiellement considéré comme un historien local. C’est à ce titre d’ailleurs que Jean Vigouroux pointe les erreurs d’Albert Boissier à partir de dépouillements archivistiques. A vrai dire, Albert Boissier perpétue l’ancienne lignée des auteurs « polygraphes » qui exerçaient leurs talents dans des domaines variés.  Ainsi, on a tour à tour présenté Albert Boissier comme un historien ; un archiviste (cf. en particulier le dossier J 7 1 des ADL) ; un archéologue (cf. « fouilles » à Essalois) ; un « patoisant » ; un photographe (plus de 600 photos déposées à la Société d’Histoire de Firminy et sans doute tout autant aux ADL) ; un poète ; un musicien (membre de l’Union Musicale de Firminy) ; un folkloriste ; un adepte de l’« esperanto », voire un amateur de théâtre qui participait aux répétitions du « Groupe Artistique de Firminy »  et qui ne répugnait pas à jouer le rôle du « Prieur » à l’occasion des reconstitutions historiques. Dans le catalogue Le petit monde de M. Boissier (s. d.), nous avons présenté un Albert Boissier collectionneur (cf. musée personnel de l’écrivain présentant, en particulier, de nombreuses pièces de « fouilles » dans sa petite maison du Pochet) tandis que nous n’avons pas mené à bien l’inventaire (annoncé dans Croyances et traditions dans la région de Firminy) des poésies composées par Albert Boissier (voir Annexes).
         Sans préjuger à la fois des qualités d’historien d’Albert Boissier et sans ignorer le bien fondé des critiques dont ses travaux font souvent l’objet, nous considérons sa démarche « historienne » comme un  « moderne » prolongement des Chroniques des Châteaux et Abbayes (1854-1857) de La Tour-Varan. Il faut lire l’article de « La Région Illustrée » (Pâques 1932) dans lequel Albert Boissier -tout en répondant aux critiques dont les « Châteaux et Abbayes » avaient fait l’objet dès leur parution (cf. article d’Auguste Bernard in « Le Mémorial » du 31 janvier 1856)- rend hommage à Antoine de La Tour-Varan. En effet, « L’enfant de Firminy » -comme l’appelle Albert Boissier- pour n’avoir pas résisté à « son goût du pittoresque », a réussi à faire du « Quentin Durwart » de bon aloi. 
       En d’autres termes, c’est-à-dire, au-delà des vérités et les erreurs qu’elles renferment, les « Chroniques » constituent des « romans historiques » à la Walter Scott dont « l’écriture imagée » (formule de Jean-Baptiste Galley qui succéda à La Tour-Varan en tant que Conservateur de la Bibliothèque de Saint-Etienne) et le romanesque de l’imaginaire sont autrement plus aptes à « meubler » nos longues veillées d’hiver que les sous-produits commerciaux imposés aujourd’hui par une tapageuse publicité.
        Les différents « Carnets » -essentiellement rédigés à partir des témoignages des « anciens »- exagéraient le caractère profondément « populaire » de tout un pan de l’œuvre d’Albert Boissier que nous avons eu -au-delà des contributions purement « historiques » de l’auteur- l’outrecuidance de privilégier en toute bonne conscience. Par ailleurs, ayant appris à nous méfier (sans négliger son caractère hautement  nécessaire) des dérives du parti-pris « technologisant » (qui finit par unir la formule « si tous les gars du monde » dans l’« internationalisme » prolétarien et le « « mondialisme » financier), nous avons réintroduit -de manière intempestive-le sens originel et tout à fait désuet du mot « folk-lore ». 
           La partie la plus méconnue et la plus confidentielle du travail d’Albert Boissier nous apparaissait comme le prototype de l’œuvre du véritable « folkloriste », c’est-à-dire de l’écrivain s’efforçant de décrypter le « savoir du peuple » -ce que Nanette Lévèque appelait des « sornettes »- et de féconder ses « erreurs ». Dans cette perspective, la « substantifique moelle » des « carnets » rejoignait nos propres préoccupations et -au-delà des billevesées des folkloristes du terroir- la « noble querelle » que nous entretenions avec van Gennep ainsi que la distance que nous ne cessions de prendre avec les auteurs « scientifiques » coupables, à nos yeux, de mettre les « leçons » du vieux « fond submergé » aux couleurs du jour et -bien involontairement mais sournoisement- de servir les idéologies dominantes.
      Néanmoins, Marie-Louise Ténèze a excellemment distingué le thème du « merveilleux populaire » de celui du « merveilleux tout court » en explicitant le thème de la « fortune » dont elle dit -de manière à la fois convaincante et symbolique- qu’il « court comme un fil rouge » à travers le répertoire de Nanette Lévèque. Ce faisant, Marie-Louise Ténèze propose une pertinente approche de la « bonne fortune » (qui n’est rien d’autre, entendue au sens populaire, qu’une relative et prosaïque satisfaction des besoins primaires les plus élémentaires) profondément enracinée dans le « légendaire chrétien » et les « croyances magiques ».
       Avant de montrer que les « sornettes » de Nanette Lévèque intègrent la nouveauté sans remettre en cause les « fondements de la vie » de la narratrice, Marie-Louise Ténèze encense  -avec raison- la charge émotive du répertoire de la conteuse au détriment (sans doute par l’habituelle et coupable volonté -à laquelle sacrifient les « technologues »- de « moderniser » toute affaire cessante les leçons du répertoire populaire) du « vieux » thème de la « survivance », d’« un passé lointain, effacé de la mémoire collective qui détiendrait la clef du sens » auquel voulaient croire Pierre Saintyves et Vladimir Propp.
      Or, ces « survivances » qui correspondent en partie à notre « fond submergé » -dont un auteur de premier plan comme Pierre Bonnaud a compris toute l’importance- ne sont nullement indifférentes à la « tradition vive ». Dans Le Musée des Campagnes, nous avons reproché à Marie-Louise Ténèze -tellement sensible, par ailleurs, à la circulation des hommes »- d’avoir banalisé le thème des « bottes de sept lieues » en considérant ces chausses extravagantes comme un thème bourgeois (introduit par Perrault) donc nécessairement « adjonctif, superflu », et partant, bien incapable de « parler » à l’imagination des indigènes du « mal pays » comme si le « peuple » n’avait pas constamment « faghocitté » la part de la « culture bourgeoise » qu’il était en état de recevoir !.
       Les « charges émotionnelles » évoquées par Arthur Soërensen ou les « affects » dont parle Uriel Weinrech illustrent la fonction émotive propre à toute langue. Ils correspondent à ces « franges » de mots partagés par un groupe linguistique, c’est-à-dire à des significations que seuls peuvent comprendre les membres d’une communauté linguistique soudée par une culture commune et une expérience solidaire propices à l’émergence de formes stylisées exprimant -par le biais de ce que nous avons appelé une « trinité baroque »- des rites  familiers  (cf. Naissance d’une Odyssée, p. 222).
      Les différentes versions d’un conte dûment répertorié permettent de décliner les variantes locales mais sans mettre vraiment à jour -à défaut d’analyses spécifiques- les particularismes locaux et les tensions évènementielles du moment qui conduisent, par exemple, le « Moitié de Coq » vellave à porter sous son aile la rivière appelée « Ance » (voir Le Musée des Campagnes, p. 742).
      Certaines chansons fonctionnent de cette manière. Ainsi, « La chanson de la réquisition » (Ms 6834, fos 232-233), retranscrite par Victor Smith à Fraisses, en 1867, auprès de « Grangeasse », se termine ainsi : « Nous n’irons de village En village, Paris beauté, Paris beauté ». Georges Delarue observe en note : Smith a bien écrit « Paris beauté », pour ma part j’interprète « Pour riboter ». On peut penser -en fonction des « franges de mots » évoquées plus haut- que ce « Paris beauté » (structuralement pertinent au regard de l’esprit de la chanson) recelait -en se substituant, tout en l’incluant, à « Pour riboter »- une « connivence » et un « clin d’œil » propres au « groupe » en question. Bref, qu’il contenait une « charge émotionnelle » infiniment plus grande que la trop « passe-partout » formule correspondante.


Réflexions sur la publication des carnets d’Albert Boissier

  
        Quelque vingt ans plus tard, nous sommes à même de faire la part des choses. En effet, sans parler de la maladresse de la forme, nous étions, en 1989, parfaitement conscient que ces ouvrages venaient trop tard en indiquant expressément que la ville ne manquerait pas de trouver dans Le Corbusier -en transformant un échec « urbanistique » en triomphe « muséal »- la gloire de bon aloi susceptible d’enchanter (conditionnement médiatique aidant) les inévitables nouveaux « bobos » de la ville. Nous avions ajouté, dans le premier volume, une seconde partie qui, d’une part, s’efforçait d’éclairer les propos rapportés par Albert Boissier et qui, d’autre part, renouvelait -soixante ans plus tard et auprès des descendants à la troisième génération- les enquêtes de l’écrivain appelou.
      En dépit de l’indéniable succès de ce premier ouvrage (qui donna lieu à un second tirage) mais en fonction également de la nature de la publication suivante intitulée « Les travaux et les jours », la seconde partie de ce deuxième volume prenait un caractère thématique qui nous permettait d’aborder des thèmes traités par Albert Boissier dans d’autres textes (cf. anciens chemins et ponts suspendus du Pertuiset ; moulins régionaux ; anciennes écoles, etc.). Par ailleurs, certains chapitres développaient des sujets seulement coudoyés par Albert Boissier (cf. batellerie sur la Loire ; fabrication des pantoufles à Firminy ; étirage des fleurets à Cotatay, etc.). Enfin, le recours à différents écrivains régionaux permettait de citer d’anciens articles parus : 1) dans la presse locale (cf. Jean Vial ou Gabriel Crépet). 2) dans des revues régionales (cf. articles d’Albert Boissier fils in « Hier & Aujourd’hui ») ou extraits 3) d’anciennes et inédites monographies (cf. Monographie communale de l’instituteur de Fraisses Gazot ou Monographie d’Unieux du secrétaire de mairie Bachelard). 
       Néanmoins, si c’était à refaire -et pour des raisons de logique interne- nous renoncerions aux additifs thématiques en poursuivant dans la logique des annexes en forme de « notes » du premier volume. En ce sens et s’il est vrai que la détection du « savoir populaire » (« savoir » très particulier qui relève davantage d’une forme de « dramatisation » de nature « esthétique » que de la connaissance proprement dite) implique un éclairage adéquat (d’ailleurs souvent de nature archivistique), nous admettons le bien fondé des critiques de Jean Vigouroux qui nous reprochait d’avoir retranscrit « des faits relatés par A.B. entachés d’erreur » sans apporter les rectifications nécessaires comme nous l’avions fait dans le premier volume (courrier du 28/01/1996).
       Le troisième volume parut en 1995 sans les « annexes » (notes explicatives ou thématiques) auxquelles nous avions habitué nos lecteurs. En effet, ayant renoncé à faire -comme on disait jadis- de la « réclame » (très nombreux articles de presse ; diffusion d’affichettes ; conférences et expositions), notre lectorat s’était amenuisé et cela d’autant plus que les rangs s’éclaircissaient parmi nos plus anciens lecteurs. Nous ne manquions pas de souligner, dans les notes préliminaires, le caractère fâcheux de cette lacune qui permettait aux adeptes de la « méthode documentaliste » de tirer à boulets rouges sur Albert Boissier.  
       Ainsi, Jean Vigouroux (présentement en charge du « Fonds Boissier » en tant que président de la Société d’Histoire de Firminy), éprouvait un malin plaisir à rectifier les « erreurs » d’Albert Boissier à  la « lumière » de documents archivistiques. Dans une brève postface du 4e volume -qui s’inscrivait dans ce que nous avions précédemment analysé à propos du « folklore » des « Vidales » in Histoire de l’Industrie du clou- nous avons voulu montrer que ces erreurs -prenant tout leur sens dans le cadre d’une « dramaturgie » propre à l’expression de la « mythologie » populaire- mettaient en évidence une forme  particulière de ce que l’on a appelé le « génie populaire ». Néanmoins, cet ouvrage nous permettait -par exemple dans le précieux chapitre « Les pagnots et figures locales »- de citer in extenso des articles (découpés et collés par Albert Boissier sur le « Carnet E ») publiés dans le journal « L’Espoir » par Johannès ou, à une époque plus récente, par Gabriel Crépet qui signait -sous le prénom « Louis », vers 1946-1947- des éditoriaux intitulés « De ma Fenêtre » dans le journal « Le Patriote » (voir ouvrage postume De ma Fenètre …, 1988).
     La publication des Ephémérides Appelouses s’inscrivait dans notre volonté de rendre compte de l’ensemble des notes prises par Albert Boissier. Toutefois, ces notes -plus récentes- fonctionnaient comme un journal tandis qu’au soir de sa vie, l’écrivain de Firminy s’employait davantage, dans les derniers carnets, à « collationner » de très nombreux articles de presse qu’à interroger des témoins. Au moment de la composition de ce fascicule, nous décidâmes de présenter seulement les articles les plus significatifs, témoignant de l’état d’esprit et des opinions de l’auteur, c’est-à-dire d’un homme profondément social, dénoncé à la Préfecture pour ses « idées subversives » et qui comprenait si bien -comme il le dit- « le traditionalisme à (ma) façon ». Avec le recul, nous renoncerions à cet ouvrage en intégrant 1) les plaisantes notes météorologiques (cf. article « Les saisons d’autrefois » dans lequel Albert Boissier montre à partir du « Cadastre et compoix de La Tout Maubourg faict en l’année 1636 » que l’irrégularité des saisons ne date pas d’hier). 2) les commentaires relatifs aux différents travaux d’aménagement de la ville. 3) les  observations les plus intéressantes, à l’une ou l’autre des précédentes publications et réserverions les jugements (implicites ou explicites) de l’auteur quant aux évènements politiques et sociaux de son époque à une évocation de la vie et de la pensée d’Albert Boissier.


Publication du dernier ouvrage

  
      Le dernier ouvrage -comportant deux parties distinctes- devait constituer le « feu d’artifice » de ces publications. En effet, à ce propos, Melle Viallard -alors directrice des ADL- nous disait combien elle attendait cet ouvrage dans la mesure où rien n’avait encore été fait sur l’occitan vivaro-alpin de la région de Firminy alors que de nombreuses contributions s’efforçaient de rendre compte -de manière plus ou moins heureuse- des patois du Velay, du Forez et en particulier du « gaga » stéphanois (voir Naissance d’une Odyssée, p. 216). Or, le patois de Firminy représente un important maillon de ce véritable « patois-charnière » qui, d’une certaine manière, établit une jonction entre le « vivaro-alpin » et le « francoprovençal.
           Albert Boissier, lui-même, s’ingéniait à établir des rapprochements entre « Les Appelous et le Midi » (1933) : il perçoit la parenté du patois appelou avec l'ensemble occitan « et il n’a pas tort », note Jean-Yves Rideau. Albert Boissier n’avait-il pas entendu, à son grand étonnement -à Montauroux, en 1914- « de la bouche de paysans de l’endroit, une version originale et curieuse du thème poétique qui servit à Mistral pour insérer dans Mireille la gracieuse et touchante Chanson de Magali » ? En 1927, Albert Boissier citait -dans  l’article « La Région de Firminy et ses Rapports avec le Velay et le Languedoc »- un fragment de cette chanson :

Si tu te mets religieuse Si tu te mets en forme Dans un couvent, D’un moine blanc Je me mettrais en forme Je me mettrais en étoile D’un moine blanc Au firmament Toujours j’aurais de toi Jamais tu connaîtras Tes sentiments … Mes sentiments !

      Quelques années plus tard, Albert Boissier donnait -dans l’article de 1933 précité- deux versions de Magali en « patois appelou » et  en « patois provençal » :
Patois appelou 		        Patois provençal 
                  O Magali ma tant aîmo		            O Magali, ma tant amado
                  Beto ta têto au fenètrou		Mête la testo au fenestroun !
                  Ecouto è pau equello aubado	            Escouto un pau questo aubado
                  De tambourïn et de vioulou                 De tambourin et de violoun,
                 Què plein d’étiale per amoun               Et plein d’estello, aperamount !
                  L’auro Pè toumbo		            L’auro es tombado
                  Maî le z’étiale paliran		           Maî lis estello paliran
                 Quand te veiran			           Quand te veiran !




Deux figures régionales : Louis Chaleyer et Victor Smith

  
    Il convient de dire deux mots de la ville de Firminy où naquit en 1826 Louis Chaleyer (employé au contentieux d’une usine appelouse) qui rassembla une très remarquable collection d’ouvrages sur le Forez et ses environs. Privilégiant résolument le « local » à visage humain, nous rêvons d’une ville de Firminy dépositaire de l’ensemble des écrits collectés par Louis Chaleyer comme nous imaginons un « Centre Paul Le Blanc » dans la bonne ville de Brioude. Est-ce bien raisonnable si l’on considère que certains présidents d’assocations se comportent comme de petits hobereaux de village jaloux de leurs trésors (Jean Vigouroux nous autorisait de prendre seulement deux ou trois clichés du "Fonds Albert Boissier" alors que, vingt ans plus tôt, il nous laissa le loisir -en cachette de Bernard Besson, alors Président de la Société d'Histoire de Firminy- de reproduire la totalité des documents photographiques  ? Toujours est-il que Louis Chaleyer mourut dans sa ville natale en 1891.
      Par ailleurs, sur un plan à la fois « littéraire » et « dialectal », nous étions tenté de rapprocher -alors même que l’un éprouvait des difficultés à pratiquer le patois et que l’autre s’initia avec bonheur et talent à celui de sa région d’adoption- Victor Smith (1826-1882), juge au tribunal de Saint-Etienne et Albert Boissier fraiseur, pointeur puis bibliothécaire à l’usine Holtzer, c’est-à-dire deux personnalités qui nous font chaque jour regretter davantage les « belles âmes » d’autrefois. Avouons qu’Antoine La Tour-Varan (1798-1864) dont un lointain ancêtre épousa la belle « Marguerite la Sarrasine » (voir « Firminy sous Berlion, seigneur de la Tour de Varan » et « cortège historique » de 1914) complèterait harmonieusement le tableau en offrant le triptyque : 1) d’une figure de lointaine et belle noblesse. 2) d’un bourgeois au grand cœur. 3) d’un ouvrier des Lumières !
      Victor Smith -qui résidait à Fraisses et séjournait l’été à Saint-Didier-en-Velay- consacra une grande partie de son temps à recueillir les contes, les légendes et les chants entre Forez et Velay (Fraisses, Chazeaux, Marlhes, Saint-Just-Malmont, Saint-Didier-en-Velay, Retournaguet, Chamalières, Vorey, Roche-en-Régnier, etc.). Dans l’ouvrage confidentiel Naissance d’une Odyssée (2008), nous avons évoqué les 32  tomes (31 tomes + 1 volume de lettres diverses) remis à la bibliothèque de l’Arsenal par Eugène Muller ainsi que le tome XI -relatif aux contes- confié à Emile Cosquin en 1881.

Les manuscrits remis à l’Arsenal figurent sous les cotes 6834 à 6866. L’ensemble représente 10 400 feuillets + le tome XXXIIII (lettres diverses de V.S.). Ulysse Rouchon a reproduit plusieurs contes dans La vie paysanne dans la Haute-Loire, tome III, 1938) et dans Contes et légendes de la Haute-Loire (1947). Voir articles publiés dans les revues « Romania » (1872-11881) ; « Mélusine » (1877) ; « Revue des langues romanes » (1880) et publication faites par d’autres auteurs comme Germaine Brizard in « Revue de Folklore français » (1930) et Paul Fortier-Beaulieu Un mariage dans le haut Forez en 1873 (1938) qui est une reprise -avec des illustrations parfois contestées, avec raison mais sans indulgence, par d’autres « puristes » du folklore- d’un article paru dans « Romania » en 1880.

        N’oublions pas que Victor Smith a collecté à Fraisses (en 1867 et 1868) de très nombreuses chansons auprès de Jean-Marie Just (sous la dictée du père de ce dernier : Jacques Just, octogénaire) ;  Maurice Padel ; la « mère Granjasse » ; Rose Granjasse ; Mme Simon ; Denis Giraud ; Mme Drevet-Girinou, etc. Par ailleurs, Victor Smith recueille -entre 1871 et 1876- une cinquantaine de contes et de légendes et plus de soixante-dix chansons auprès de la septuagénaire Nanette Lévèque (née en 1803 à Sainte-Eulalie en Ardèche, aux confins de la Haute-Loire et décédée à Firminy en 1880) qu’il a le bon goût et surtout la pertinence de qualifier de « fidèle collaboratrice ». 
       Cette collecte a donné lieu à la publication de l’ouvrage essentiel Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire (2000) auquel il ne manque que de déterminer -si c’était possible- la part importante des contes et des chansons que la détentrice analphabète de cet inestimable savoir populaire (narratif et chanté) 1) apprit dans son village natal de Sainte-Eulalie. 2) entendit lors de son passage à Coubon (Haute-Loire). 3) recueillit -elle-même- dans la région de Firminy en devenant, par le fait, la véritable collaboratrice de Victor Smith et non un « vulgaire » témoin. 
        A contrario, on relève un seul récit de Nanette Lévèque (« Marie et Jeanne ») reproduit en patois (d’après une transcription faite en 1874 par l’instituteur de Fraisses) alors que la narratrice avait appris ces contes dans la « langue vulgaire » qui lui était beaucoup plus familière. Toutefois, au plan du patois, les « belles » sornettes de Nanette Lévèque ne ressortissent pas de la langue parlée à Firminy. A bon droit, Jean-Yves Rideau n’a pas retenu « Marie et Jeanne » (conte retranscrit pas Marie-Louise Ténèze avec -hélas- quelques retouches et sans la traduction de Victor Smith) dans la mesure où ce conte (transcrit vraisemblablement par le « sieur Roux », instituteur à Fraisses vers 1866 d’après la « Monographie » de Gazot) est rédigé en patois de Sainte-Eulalie.
       On peur observer que Victor Smith a collecté -au Petit Fraisses, en 1868- des chansons auprès de Bernard Brioude également originaire de Sainte-Eulalie. L’absence de rédaction en « langue vulgaire » ne permet pas de confronter ces chansons avec les les récits de Nanette Lévèque alors que l’un et l’autre, à période correspondante, sont originaires du même village. 
      Sans doute, en dépit de la disproportion entre l’énormité de la collecte de Victor Smith (alors que celle d’Albert Boissier reste, dans ce domaine précis, relativement modeste), quelques timides rapprochements peuvent être, ici ou là, effectués (cf. « chants de mai » ; « garçons de la montagne » : « Marion et le bossu » ; « Au bois de la Fouillouse », etc.) mais l’essentiel réside peut-être dans l’inventaire du patrimoine littéraire populaire de la région de Firminy, étant entendu que les chansons et les contes voyagent. Ainsi, Jean-Marie Just (important contributeur de Victor Smith) note tantôt que telle chanson a été entendue à Dunières, qu’une autre provient d’Yssingeaux et une troisième de Monistrol. On pourrait dire que ces apports exogènes affectent même la montagne de Sainte-Eulalie puisque Nanette Lévèque précise qu’elle a entendu telle chanson « en chemin de fer par des jeunes gens de Monistrol qui allaient moissonner aux environs du Puy ».
       Nous avons voulu rapprocher des personnalités de Firminy et de sa région qui connaissent aujourd’hui -à l’exception d’un La Tour-Varan invariablement promis à « l’Enfer » des bibliothèques, fussent-elles locales- des gloires, certes modestes, mais réelles. Il est d’ailleurs curieux qu’Albert Boissier ne se soit pas intéressé de plus près à Victor Smith et à Louis Chaleyer alors que sa famille s’installe à Firminy en 1896, c’est-à-dire seulement 14 ans après la mort du premier et 5 ans après celle du second. 
       Albert Boissier connaissait la documentation de Louis Chaleyer qu’il consulta à plusieurs reprises (cf. « Note isolée » relative à l’étymologie Varan) et il décrit le 3e étage de la maison Chaleyer « garni de rayons contenant des ouvrages et des vieux papiers » (« Ephémérides », p. 135). D’autre part, Albert Boissier cite Victor Smith à plusieurs reprises (cf. « Ephémérides », p. 64) et souligne l’intérêt de sa collecte de chansons (in « Histoire de l’origine … »). Enfin, Albert Boissier a photographié le petit domaine de la famille Smith au « Grand Fraisse » qui était à l’origine une magnanerie dirigée par le grand-père de Victor (cf. « Les Travaux et les Jours », p. 62-63, n° 210) tandis que, dans des notes extraites du « Carnet A », il précise que Victor Smith était propriétaire à Firminy et que « ses œuvres comportant 33 volumes (sont) déposées à la Bibliothèque de l’Arsenal (voir plus loin « Monsieur Schmidt, rapporté par M. Barlet, ancien maire de Fraisses, en mars 1921 »).
        Bien entendu, les œuvres des précurseurs ne sont pas indemnes de reproches. L’impressionnante collecte de Victor Smith est forte de 1725 textes dans les volumes de la Bibliothèque de l’Arsenal et sans doute de plus de 200 textes dans les 3 volumes de la Bibliothèque de l’Institut catholique de Paris (Marie-Louise Ténèze n’a pas indiqué le chiffre exact dans ses notes pourtant très précises). Toutefois, à quelques exceptions près, on regrette l’absence de transcriptions patoises systématiques tandis que Georges Delarue -qui avait pour projet de publier l’intégralité des chansons du juge-folkloriste- nous confiait qu’il avait été découragé par l’absence de mélodies. Ces lacunes ne sauraient invalider l’œuvre de Victor Smith. On a même suggéré, dans un autre ouvrage, que l’intransigeance des spécialistes expliquait le caractère tardif de la publication de l’inestimable (et bien réel celui-ci) « Trésor » des contes de Nanette Lévèque.
        Par ailleurs, l’essoufflement des effets des fameuses « Instructions de 1853 » explique en partie le fait qu’Albert Boissier -dont on connaît les dispositions musicales- n’ait pas accordé davantage d’intérêt aux chansons populaires qui avaient suscité l’attention de ses prédécesseurs le Dr Noëlas (Essai sur le romancero forézien ; 1865) ; Eugène Muller (cf. 19 chansons publiées dans « Le Mémorial de la Loire » en 1867) et Louis-Pierre Gras dont  Georges Delarue analyse La collecte de L-P. Gras vers 1865 (1984) qui comporte 150 références (Archives de la Diana à Montbrison) en la mettant, le cas échéant, en rapport avec celle d’Eugène Muller (cf. « La Marion et le bossu »).
      Nous avons publié plusieurs chansons, rondes et formulettes recueillies par Albert Boissier (cf. Les Travaux et les Jours, p. 119-131) et Albert Boissier fils, (Ephémérides Appelouses, p. 123-134). D’autre part, sur une feuille isolée, Albert Boissier a noté l’incipit d’une soixantaine de chansons (dont « Au bois de la Fouillouse. Il y a des voleurs »).


Publication des derniers ouvrages extraits des notes d’Albert Boissier

  
        Ayant publié les 4 premiers ouvrages et de manière à honorer (bien tardivement) d’anciens engagements, nous avons confié la rédaction des ouvrages V1 et V2 à « des gens plus autorisées que nous en la matière » comme dirait Albert Boissier. C’est ainsi que Patrice Benvenuto a travaillé -à partir des documents que nous lui avons confiés- sur le parler populaire de la vallée de l’Ondaine et décidé de laisser à un éditeur apparemment plus performant (éditions du Roure) que notre modeste association la publication de l’ouvrage Le parler de la vallée de l’Ondaine (2011). 
       Par ailleurs, l’auteur a choisi de ne pas rendre compte systématiquement des mots et expressions (souvent « à la limite extrême de la lisibilité ») contenus dans le cahier mentionné plus haut et des notes éparses transcrites dans les différents carnets mais de procéder à une sélection d’un grand nombre de ceux-ci au profit d’un dictionnaire fort de 900 entrées (proposant « la nature du mot, sa transcription phonétique », son origine avérée ou supposée, ses dérivations, les exemples d’emplois »).
      Nous avions demandé, vainement, à Patrice Benvenuto de travailler de concert avec Jean-Yves Rideau dont la connaissance approfondie de l’ensemble des « réalités linguistiques régionales » aurait permis à notre ancien condisciple de surmonter une difficulté -inhérente au problème de la francisation du patois- susceptible de compromettre partiellement la valeur de l’ouvrage. A ce propos, Jean-Yves Rideau précise :
     Il ne faut pas prendre le français local (ou régional) pour une altération du français de référence, un « patois » donc, dû à l'ignorance populaire. C'est ce qu'on apprenait à l'école. Et un Molard pouvait publier en 1810 Le mauvais langage corrigé, Recueil d'expressions vicieuses usitées à Lyon. Dès le 19° siècle, les érudits locaux (Nizier de Puitspelu à Lyon, Gras et Onofrio pour le Forez) faisaient justice de ce genre de pensée, montraient qu'il existait une langue gallo-romane spécifique, et que ce qu'on appelait le « lyonnais », le « gaga », était du français régional, issu de la francisation de populations non francophones qui, passant au français, amenaient de leur façon de dire. Le français régional n'est donc pas à étudier du point de vue français, mais du point de vue francoprovençal (Lyon, St Etienne), ou occitan vivaro-alpin (Firminy).
          Bien entendu, chaque auteur est seul maître à bord. Ayant l’habitude de publier -contrairement aux chercheurs « académiques » qui bénéficient de fonds publics pour « écouler » gratuitement leurs savantes contributions- à la double intention de lecteurs avertis mais aussi du grand public, nous avons demandé à notre épouse -avec l’accord de Jean-Yves Rideau- d’« imager » certaines chansons d’Albert Boissier dans la mesure où les éventuelles illustrations n’impliquaient pas (à l’exemple d’« Un mariage dans le haut Forez ») le recours à des « dessins ethnographiques ». D’autre part, d’anciennes photographies (retouchées) correspondent à de nombreux thèmes abordés dans « La Plenta dau vielh clocheir ». Enfin, nous avions présenté les textes établis par Jean-Yves Rideau en utilisant cinq couleurs différentes de manière à distinguer : 1) les textes patois et français. 2) les différentes versions patoises. 3) les observations d’Albert Boissier. 4) les remarques de Jean-Yves Rideau. 5) les petites notes de bas de page. Jean-Yves Rideau -contrarié par ce déploiement de couleurs- nous a demandé de rétablir la plus classique et sérieuse typographie en « noir et blanc ».
        De son côté, Patrice Benvenuto s’est quelque peu démarqué de notre projet en renonçant à ancrer le « parler populaire » dans la réalité linguistique de la région de Firminy. L’ébauche de couverture initiale et la couverture définitive de l’ouvrage en  question -dont la maquette de couverture, d’un « stylisme » résolument moderne, de Françoise Dancer fait du mot « matrus » un vétitable intitulé- témoigne de cette évolution. 
         Au demeurant, ce terme -révèlateur de la complexité des « réalités linguistiques »- a donné lieu à un différend entre Albert Boissier et Albert Boudhon-Lashermes qui, tout naturellement, replacent l’un et l’autre le mot « mâtru » dans son contexte dialectal. En effet, dans un article des « Amitiés foréziennes et vellaves » de Juillet 1922, Albert Boissier -fort du « Dictionnaire » de L.P. Gras ; du « Dialecte de Saint-Etienne » de Vey que corroboraient les propos d’une ménagère- reprochait à Boudhon-Lashermes d’avoir traduit « mâtru » par « enfant vigoureux, costaud » alors que, dans la région de Firminy, le terme signifie « chétif, petit, mesquin ». Albert Boudon-Lashermes répondait de la manière suivante à Albert Boissier :
       
       Si mâtru est employé dans le sens de chétif dans la région stéphanoise, c’est encore d’un mot provençal qu’il tire son origine, puisqu’on l’explique par l’étymologie mal-atru, opposé à bèn-atru.
     Mâtru dans le sens de vigoureux vient de mastru, mot provençal signifiant littéralement bien-pétri (du mot mastro, pétrin). Uno mastro, c’est un pétrin ; uno mastrado, c’est le contenu d’un pétrin ; un mastru, c’est un bien pétri.
    Au contraire, dans le sens de chétif, mâtru viendrait non pas précisément de mal-astru qui signifierait plus exactement malheureux, misérable (astru est un mot provençal qui veut dire chance, fortune, bonheur, dont on a fait l’adjectif astru, astruga (qui a une bonne étoile) et dont nos pères du Moyen-Age firent le curieux prénom de femme que nous retrouvons dans les parchemins du quatorzième siècle : Astruge (on dirait aujourd’hui Veinarde !) – mais bien plutôt de mal-estru, qui figure précisément au Trésor du Félibrige avec le sens de malingre, et qui vient du verbe estruire (instruire).
    Estru signifie instruit ; mal-estru signifie d’abord mal-appris et devint par la suite synonyme de mal-réussi, mal fait. D’où le sens actuel de mâtru dans la région stéphanoise.
       Ce différend met en lumière un problème récurrent de renversement sémantique (cf. « Plampougny ») susceptible de donner raison -à l’un et à l’autre- des deux spécialistes si l’on en juge par la piécette en patois appelou  « Lou coutillou de la lavandeïro » et de la formule « Un mâtru merdaillou » qu’Albert Boissier traduira, en 1948, par : « Un petit malotru » (Voir « Annexes). 
      Au final et en dépit de cette importante lacune, en complétant et en actualisant le travail d’Albert Boissier, Patrice Benvenuto a rendu compte des « charmes » du parler populaire auquel lui-même n’a jamais cessé de s’intéresser en proposant un ouvrage dont il peut revendiquer l’entière paternité de la « manière » et dont la « matière » doit tout autant à lui-même qu’à Albert Boissier.
     Les lecteurs avertis connaissent Jean-Yves Rideau. Cet ancien professeur, bibliothécaire et critique d’art (et même moutonnier) a publié, en 2007, les Poésies Patoises de Jean-François Meiller qui relèvent -dans l’aire des parlers vivaro-alpins- de l’occitan du nord-est de la Haute-Loire (voir 2 autres traductions faites, l’une par un  étudiant de l’Université de Lyon ( ?) et l’autre par notre regretté ami Antoine Digonnet). C’est à Jean-Yves Rideau que nous avions confié la mise en œuvre de la dernière publication relative aux « écrits patoisants » d’Albert Boissier.
        On ne remerciera jamais assez Jean-Yves Rideau pour la qualité de son travail et la pertinence de ses éclairages. En outre, l’adjonction du texte essentiel « La Plenta dau vielh clocheir » contribue à donner non seulement un indéniable atout linguistique mais également un « supplément d’âme »  à l’ouvrage. On en dira autant -à défaut de l’ode « Aux Zefans de Frouminio » qui n’est pas d’Albert Boissier- de l’hommage « A netroun vesi de vè mounistreau » qui valut à Albert Boissier le premier prix de poésie aux Fêtes Félibréennes qui se déroulèrent à Monistrol le samedi 14 et le dimanche 15 juillet 1934.  
      Quant au parti-pris avoué de l’auteur, il ne constitue qu’une des formes de la « politesse élémentaire » de la sincérité que tout un chacun a légitimement le droit et le devoir de revendiquer. Pour notre part, nous pensons que Jean-Yves Rideau a grand tort -en « dépolitisant le débat- de sous-estimer l’importance de la démolition de la vieille église Saint-Pierre de Firminy que l’on pourrait qualifier de signe avant-coureur des méfaits des représentants de l’état libéral -qu’il dénonce si justement par ailleurs- si celui-ci, dans l’attente d’autres mauvais coups,  n’avait pas déjà sévi quelque soixante-dix ans plus tôt !
   . En effet -preuve que les hommes sont aussi têtus que les faits qui ont « bon dos »- ce « saccage du Temple » n’avait rien d’original ou d’accidentel puisqu’il renouvelait celui de l’église Notre-Dame de la Place du Marché qui -dans les années 1860- fit des appelous la risée des chambonnaires (cf. « chanson satirique », p.18). Dans ses « Chroniques », la Tour-Varan (indigné par le triste sort réservé à ce monument séculaire) écrivait de manière prémonitoire en 1857 :
       Maintenant, ce n’est qu’en tremblant que nous vous demanderons ce que vous allez faire de l’église de St-Pierre, cette masure que nous a léguée le siècle de Saint-Robert, cet oratoire primitif de la primitive population de Firminy et qui depuis si longtemps ne sert plus d’asile qu’aux fouines et aux orfraies. La démolirez-vous cette église, comme vous avez renversé celle où cependant vous aviez été baptisés ?
        Tout en déplorant les « trésors archéologiques perdus à tout jamais », Jean Vigouroux tend à justifier -peu ou prou- la démolition de l’église Saint-Pierre en alléguant -comme si nous n’avions pas constamment traversé des périodes de crise- des difficultés financières ponctuelles. Les « 30 Glorieuses », elles-mêmes, ne constituent qu’une reconstruction « optimisante » et « industrialisante « de Jean Fourastié (Albert Boissier relève la présence de « tickets de pain » en 1946, et sans parler de « l’hiver 54 » et de mai 68, on se souvient du premier choc pétrolier de 73) tandis que le problème de la restauration de l’église Saint-Pierre n’est pas apparu du jour au lendemain. Les arguments de Jean Vigouroux ont valeur d’arguties visant à valider les volontés des « décideurs » qui, forts de l’appui médiatico-financier, finissent toujours par transformer leurs plus cuisants échecs en de retentissants succès invariablement scandés par l’interminable « foule d’attente » des nouveaux convertis. 
       En effet, cette véritable « destruction » doit être mise en rapport avec l’acharnement de la « construction » de l’église Le Corbusier au mépris d’ailleurs de la « loi de séparation des Églises et de l'État » dont on fait usage à géométrie variable. En 1989, nous écrivions : « L’église Le Corbusier verra, tôt ou tard, le jour même s’il ne reste plus aucun catholique pratiquant dans la ville » après avoir supprimé (pour ne pas offusquer certains de nos lecteurs) « et que nos compatriotes de religion musulmane ne disposent d’aucune mosquée décente ». A ce titre (certaines notes indiscrètes d’Albert Boissier le montrent de manière prémonitoire) la démolition de l’église Saint-Pierre incarne le débat -dans lequel les meilleurs esprits de tendance socialisante ne se retrouvent pas toujours- entre les élites -si sûres d’elles-mêmes et dominatrices- et les voix du peuple profond !


Conclusion

  
        Dans nos différentes publications, nous avons essayé de faire le tour des écrits d’Albert Boissier. Compte-tenu de ses moyens financiers très limités, l’historien de Firminy n’a procédé à aucune publication personnelle en préférant donner de nombreux articles à des revues régionales ou en rédigeant différentes monographies non publiées de son vivant.
       A l’intention des chercheurs qui, plus tard, se pencheront sur l’œuvre d’Albert Boissier, nous procéderons dans la partie « Annexes » à un premier et très incomplet essai de recension systématique des publications et des écrits d’Albert Boissier.
        Nous ne pouvons que remercier chaleureusement Patrice Benvenuto et Jean-Yves Rideau qui nous ont permis d’honorer nos engagements à l’égard de ce cher « Bab »  qui, de longues journées durant, nous reçut si gentiment. 
        D’autre part, nous n’avons fait -en tant qu’appelou de naissance- qu’apporter notre pierre à la connaissance d’Albert Boissier dont l’œuvre est celle d’un esprit libre, ouvert et bienveillant. Par quel sortilège, un descendant des lointains huguenots cévenols qui écrivit le panégyrique du (saint) Père Merlaton et qui transcrivit -paroles et mélodie compris- le chant entonné « par les Kabyles à l’enterrement de leur camarade au cimetière de Firminy en 1916 » (cf. « Ephémérides ») aurait-il pu ne pas être un « honnête homme » ? 
      Comme nous l’avons toujours fait, nous mettons l’ensemble de nos écrits à la disposition des chercheurs qui nous succèderont. Il  va sans dire que ces derniers amélioreront de beaucoup nos contributions mais ils ne pourront plus, désormais -pour actualiser une formule de Jean Ferrat- orienter implicitement et systématiquement l’œuvre d’Albert Boissier dans le sens qui -brochette de logos des organismes « subventionneurs » en bandoulière- plaît au « corps idéologique commun ».
       Au demeurant, on aimerait connaître -aujourd’hui- le jugement d’Albert Boissier -qui militait de toutes ses forces en faveur de l’instruction populaire- devant les acquis et les dérives de cette impérieuse « mission » s’il est vrai que nous avons montré, dans un autre ouvrage -à travers l’emblématique figure de la béate du Velay- les insoupçonnés (et toujours circonstanciés) mérites d’une certaine forme d’ignorance qui autorise parfois l’émergence de personnages d’exception dont l’individualité s’« abîme » et se confond avec le groupe tout entier jusqu’à incarner ce que Patrice Coirault a si bien appelé un « être innombrable et indivis » (voir notre définition de la « trinité baroque » in  Naissance d’une Odyssée). 
       Nanette Lévèque incarne -en l’exagérant dans le meilleur des sens- le prototype des témoins d’Albert Boissier, et en conséquence, la partie de l’œuvre de l’historien appelou à laquelle nous avons voulu rendre le plus vif des hommages. Nanette Lévèque ne représente-t-elle pas, en effet, le personnage du terroir -analphabète et éclairé- appelé à s’exprimer au nom du groupe tout entier et qui -à rebours de l’intellectuel bourgeois dont le rêve est de transformer la vie en destin- n’a autre « loisir » que celui de mettre le destin aux couleurs de la vie aux travaux laborieux et pénibles. Voilà pourquoi Albert Boissier et Nanette Lévèque -comme le dit si justement Marie-Louise Ténèze à propos de celle-ci- forcent « notre estime, voire notre admiration et certainement notre émotion » !

Georges Dubouchet

          ANNEXES
          Nous avions annoncé -à l’occasion de la parution du Tome I des « Carnets »- la publication d’un livret « Exposé Général » recensant l’ensemble des publications et des écrits d’Albert Boissier. Cet opuscule n’ayant vu le jour, nous reprenons les informations délivrées dans les différentes publications en mentionnant plusieurs pièces non citées dans les ouvrages précédents.
       D’autre part, nous reproduirons plusieurs textes rédigés ou recueillis par Albert Boissier. 
       Nous commencerons par la brève préface qu’Albert Boissier fils avait rédigée -dans les derniers mois de sa vie- en guise d’introduction au livret évoqué plus haut.

ALBERT BOISSIER

        Albert Boissier est né le 9 août 1878 à Beauvoisin (Gard), d’une famille protestante originaire de Grizac (canton du Pont de Montvert).
         Son père instituteur fut nommé sous-inspecteur des « Enfants assistés » et occupa de nombreux postes dans cet emploi, ce qui explique qu’Albert Boissier fréquenta plusieurs établissements scolaires : Beauvoisin, Rodez, école annexe de l’Ecole Normale de Bourg, Lycée de Bourg, Lycée de Gap.
        Ayant démissionné de son poste de sous-inspecteur, son père entre au journal « ‘Le Progrès » de Lyon au service des ventes. Ce poste l’amènera dans la région de Firminy.
       C’est alors qu’Albert Boissier entre aux établissements Holtzer en 1893 (1). Il travaille d’abord à l’atelier comme rabatteur de 1893 à 1903, puis comme fraiseur de 1903 à 1905.
       Il entre ensuite au bureau comme pointeur jusqu’en 1917. A cette date, il organise la Bibliothèque technique où il restera jusqu’à sa retraite en 1950.
       Il se retire au Pertuiset (Le Pochet) où il meurt le 30 juin 1853.
        Albert Boissier a été correspondant du journal « L’Eclaireur » de 1897 à 1918 et de « La Tribune » et du « Progrès » jusqu’à sa retraite.

(1) La date d’arrivée d’Albert Boissier à Firminy est inexacte. L’écrivain indique à plusieurs reprises l’année 1896 comme étant celle de son arrivée à Firminy. Ainsi, il précise dans une note isolée intitulée « Souvenirs du vieux Firminy » :

             Nous sommes arrivées en août 1896. Logé en chambre rue du Champ de Mars …
Publications d’Albert Boissier
        Dans nos différentes publications -avec le précieux concours de M. Albert Boissier fils- nous avons essayé de faire le tour des écrits d’Albert Boissier. Compte-tenu de moyens financiers limités, l’historien de Firminy n’a procédé à aucune publication personnelle en préférant donner de nombreux articles à des revues régionales ou en rédigeant différentes monographies non publiées de son vivant.  Albert Boissier a le plus souvent signés de son nom les nombreux articles qu’il a publiés. Néanmoins, il a utilisé au moins quatre pseudonymes : L’Appelou (cf. « L’Eclaireur ») ; Jean Desforges (cf. « La Région Illustrée ») ; Pierre Dondaine (cf. « Le Courrier de l’Ondaine ») et l’anagramme Isoberis Lebart (cf. « Forez-Auvergne-Velay »).
       A l’intention des chercheurs qui, plus tard, se pencheront sur l’œuvre d’Albert Boissier, nous citons -en reprenant et en complétant les listes précédemment données- la plus grande partie des textes d’Albert Boissier dont nous avons connaissance. Toutefois, la recension la plus exhaustive de ceux-ci ne saurait faire l’impasse de l’ensemble des documents remis par M. Albert Boissier fils 1) aux Archives de la Loire. 2) à la Société d’Histoire de Firminy (à partir des années 1970) dont nous sommes loin d’avoir donné une liste complète. 3) ainsi qu’une approche méticuleuse des différents journaux, revues et périodiques (cf. « L’Eclaireur »). Nous sommes bien persuadé, par ailleurs, qu’un chercheur -exploitant méticuleusement les « Fonds Boissier » des ADL et de la Société d’Histoire de Firminy- pourra compléter cette liste en ajoutant des articles qui ont échappé à l’inventaire établi par M. Albert Boissier fils ainsi qu’à nos propres recherches. 
        Au lendemain de la mort de son père, Albert Boissier fils -ne disposant pas d’un local adéquat- dispersa la plus grande partie des collections de son père et de la bibliothèque dont il ne conserva que les éléments les plus significatifs et les moins volumineux. Ainsi, pour prendre seulement deux exemples, on dira que Robert Bouiller a remis un ouvrage de Louis-Pierre Gras (Evangile des quenouilles foréziennes ?) provenant de la bibliothèque d’Albert Boissier que le Conservateur du Musée Alice Taverne avait acquis auprès d’un bouquiniste tandis que notre lointain parent, le libraire Yves Dubouchet, nous avait gentiment adressé -également annoté de la main d’Albert Boissier- Aquae Segetae Mediolanum d’Edmond Révérend du Mesnil.
       Observons à ce propos qu’Albert Boissier avait l’habitude d’annoter et d’illustrer (photos, dessins, croquis, plans, etc.) les ouvrages figurant dans sa bibliothèque en grande partie dispersée au lendemain de sa mort. Il n’est pas douteux que la mise bout à bout de ces annotations et illustrations constituerait un tout entier et singulier ouvrage.
      Nous donnons, ci-dessous », l’ensemble des publications d’Albert Boissier dont nous avons connaissance ainsi qu’un large aperçu des notes qu’il avait prises sur les sujets les plus variés. Nous avons fait l’impasse du « Fonds Boissier » conservé par la Société d’Histoire de Firminy à laquelle nous avons remis les différents carnets que nous avait confiés M. Albert Boissier fils.

I- Le « Fonds Albert Boissier » aux A. D. L.

      En novembre 1957, Albert Boissier fils procéda à un legs important auprès des Archives du Département de la Loire. Ce premier « Fonds Albert Boissier » (conservé sous le sigle 7 J) comprend 17 numéros. Nous distinguerons ce qui concerne le travail propre à historien local (relevés d’archives et de plans) et ce qui relève (rubriques soulignées) de l’œuvre proprement dite d’Albert Boissier :

7 J 1 : Lieux et Patronymes relevés dans : Registre paroissial de Firminy (1620-1681) ; Terrier Parchas (1593) ; Répertoire des Naissances Descos (1683-1694) ; copies d’actes anciens et de certaines observations de La Tour-Varan ; Fiches par noms de famille avec notes d’Emile Salomon + 1 petit cahier de poésies patoises avec traductions et un texte patois. Deux poésies sont d’Albert Boissier : 1) « Lou Milladiou », petit extrait de « La Plenta dau vielh clocheir » (in « Firminy-Kermesse 1923) et 2) « A netroun vesi de vè mounistreau ». Deux autres ne sont pas d’Albert Boissier : 1) « Aux Zefans de Frouminio » et 2) « Le clouchaet de vè Frouminio ». Quant à la petite pièce en patois de Firminy, « Lou coutillou de la lavandeïro », elle fut communiquée, en 1948, à Albert Boissier par M. Tavernier. Notons que la poésie « Aux Zefans de Frouminio » figure en deux exemplaires : le premier, recopié de la main d’Albert Boissier, est transcrit d’après le numéro unique du 14 mai 1893 de « Firminy-Cavalcade » ; le second, typographié, est une reproduction du numéro également unique de « La République du Mas » du 28 mars 1933. 7 J 2 : Transcription d’un terrier de Firminy. 7 J 3 : Extraits d’actes de la baronnie de Feugerolles. 7 J 4 : Actes notariés relatifs à la ville de Firminy. 7 J 5 : Plan d’après le cadastre de Firminy av ec mention des puits en exploitation. 7 J 6 : Plan cadastral de Firminy. 7 J 7 : 3 plans de la commune de Firminy. 7 J 8 : Plans cadastraux de différentes communes avoisinant Firminy. 7 J 9 : Rôle de répartition de 3132 journées à bras pour la réparation du chemin vicinal Firminy-Saint-Just. 7 J 10 : Requête au roi signifiée aux sieurs d’Osmond. 7 J 11 : Copie de documents relatifs à la famille De la Tour-Varan. 7 J 12 : Documents relatifs à Me Michel Delaroa, notaire à St-Victor-sur-Loire en 1728. 7 J 13 : Le problème des armoiries de la famille d’Alboin de Cordes. 7 J 14 : Histoire d’une grande usine. 7 J15 : Documents relatifs à des familles nobles de St-Etienne, Roanne. Extraits des registres des baronnies d’Aurec, Oriol et La Chapelle (XVe-XVIIe siècles). 7 J 16 : 3 Lots de plusieurs centaines de photographies et cartes postales de la région de Firminy. 7 J 17 : Manuscrit « La plainto do vieu cloucher » avec traduction et notes d’Albert Boissier + imprimé « Chant des Apelous ».



II- Articles parus dans des revues régionales

     L’inventaire des 96 articles qui suivent nous a demandé de nombreuses recherches mais il est bien évident qu’il ne prétend ni à l’exactitude (cf articles de « L’Eclaireur » et « Amitiés foréziennes et vellaves ») ni à l’exhaustivité.
             				L’ECLAIREUR

LES LEGENDES DE NOS PAYS - LE CHANT DU ROSSIGNOL 6 AOUT 1910 LES LEGENDES DE NOS PAYS - LE CHANT DU ROSSIGNOL (suite) 13 AOUT 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 3 SEPTEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 17 SEPTEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 24 SEPTEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 1 OCTOBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 8 OCTOBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 24 SEPTEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 1 OCTOBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 8 OCTOBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 15 OCTOBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 19 NOVEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 10 DECEMBRE 1910 LE PATOIS PITTORESQUE 25 DECEMBRE 1910 AU PAYS APPELOU –VIEILLES TRADITIONS JANVIER 1912 AU PAYS APPELOU –VIEILLES TRADITIONS (suite) JANVIER 1912 AU PAYS APPELOU –VIEILLES TRADITIONS (suite) JANVIER 1912

                                      FOREZ-AUVERGNE-VIVARAIS

UN PONT GALLO-ROMAIN AUX SAUVAGES PRES D’AUREC N° 94 - 01/12/1910 UN MONUMENT MEGALITHIQUE A L’OPPIDUM D’ECHANDE N° 106 - 01/07/1911 UNE EXCURSION A ESSALOIS N°113 - 15/10/1911 LES ARCHES DE GOURNIER N°118 - NOEL-JANV. 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. VIEILLES LEGENDES N° 126 15 MAI 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. LE LUTIN N° 127 1JUIN 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. LE LUTIN DE LA MINE N°128 15 JUIN 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. LES CHASSEURS DE LA NUIT N°130 15 JUIL. 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. VIEILLES LEGENDES N°131 1 AOUT 1912 CHOSES D’AUTREFOIS. VIEILLES LEGENDES N° 133 1 SEPT 1912 LES CONFIDENCES D’UN VIEUX BOUQUIN N° 161 15NOV-1 DEC. 1913 UNE EXCURSION A LA TOUR D’ORIOL N° 162 15 DEC-1 JANV. 1913-1914 LES GORGES DE LA SEMENE N° 168 15 AVRIL 1914 LA CHAPELLE DU PRIEUR DE STE FOY-DU-CHATELET N°169 1 MAI 1914 LES AUTRICHIENS A ST-ETIENNE N°174 AOUT 1914

LA REGION ILLUSTREE

LE COURS DE LA LOIRE D’AUREC A ST-RAMBERT  		            		         N°11  15 MAI 1929

JACOB HOLTZER N° 15 15 JUIL. 1929 UN ANCETRE DE LA METALLURGIE VELLAVE N° 20 5 OCT. 1929 L’ENIGME DU LINTEAU ROMAN N° 30 5 MARS 1930 CORNILLON ET SON SITE N° 42 5 SEPT 1930 LA CITADELLE D’ANVERS FUT-ELLE DETRUITE … 1930 UN COUP D’ŒIL SUR LA REGION DE FIRMINY … PAQUES 1931 HISTOIRE DE LA FAMILLE DE LA TOUR-VARAN PAQUES 1932 LES NONNES DE CHAZEAUX NOEL 1932 LES AUTRICHIENS A ST-ETIENNE … PAQUES 1933 CHAMBLES ET SES ENVIRONS PAQUES 1934 HISTORIQUE DES PONTS SUSPENDUS DU PERTUISET MAI 1934 HISTORIQUE DES PONTS SUSPENDUS DU PERTUISET JUIN 1934 NOS VOISINS DE MONISTRL JUILLET 1934 LA LEGENDE DU GRAND LAC NOIR D’AUREC PAQUES 1935 LES TOMBEAUX ANTIQUES DE L’EGLISE ST-PIERRE NOEL 1935 LA MYSTERIEUSE TOUR D’ORIOL (I) PAQUES 1936 LA MYSTERIEUSE TOUR D’ORIOL (II) NOEL 1936 LA MYSTERIEUSE TOUR D’ORIOL (III) NOEL 1937 LA VALLEE DE L’ONDAINE 1937

  
   LE COURRIER DE L’ONDAINE

UN DRAME DANS UNE PRISON SOUS LA REVOLUTION A FIRMINY 10 SEPT 1922 LES CHASSEURS DE LA NUIT 1937 LES SUPERSTITIONS DE NOS PERES 1937

            LE PATRIOTE

LE CLOU FORGE DANS LA REGION DE FIRMINY 11-12 OCTOBRE 1947 LE CLOU FORGE DANS LA REGION DE FIRMINY (Suite) LE CLOU FORGE DANS LA REGION DE FIRMINY (Suite et fin)

LA TRIBUNE REPUBLICAINE UNE EGLISE INCONNUE A CORNILLON 4 FEV 1928 LES BEAUTES NATURELLES DES GORGES DE LA LOIRE 17 AOUT 1930

 LE MEMORIAL DE LA LOIRE

L’EGLISE SAINT-PIERRE DE FIRMINY (Plaidoyer en faveur …) 26 NOVEMBRE 1922 L’EGLISE SAINT-PIERRE DE FIRMINY SEPTEMBRE 1932

     LE POILU DE LA LOIRE

QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DE FIRMINY N° 162 10 MAI 1935

                        AMITIES FOREZIENNES ET VELLAVES

SUR UNE EXPRESSION FOREZIENNE JUILLET 1922 UN POINT D’EYMOLOGIE : LA VILLA DES DEUX ROSES N°10 1922 POUR LE CLOCHER DE SAINT-PIERRE A FIRMINY N°12 1922 LES SAISONS D’AUTREFOIS MARS 1924 LA LEGENDE DU GRAND LAC NOIR D’AUREC LES PELERINS DE COMPOSTELLE LES PELERINS DE COMPOSTELLE L’EGLISE SAINT-PIERRE DE FIRMINY L’EGLISE SAINT-PIERRE DE FIRMINY SEPTEMBRE 1932

     FIRMINY-KERMESSE 25 JUILLET 1914

FIRMINY SOUS BERLION, SEIGNEUR DE LA TOUR DE VARAN

             FIRMINY-KERMESSE 9 NOVEMBRE 1919

RESUME DE L’HISTOIRE DES APPELOUS

               FIRMINY-KERMESSE 29 JUILLET 1923

LA REINO BLANTSO LOU MILADIOU RERSTITUTION DE LA VILLE ET PRIEUR2 DE FIRMINY AU XIVe SIECLE

                     LA REPUBLIQUE DU MAS 28 MARS 1933

LE QUARTIER DU MAS LES APELOUS ET LE MIDI LA REVUE « VA POUPOULE » A L’ALCAZAR EN 1904 AUX ZEFANS DE FROUMINION (poème patois)

GUIDE-ANNUAIRE DE FIRMINY 1926

FIRMINY ET SES ENVIRONS

       ANNUAIRE DE FIRMINY 1927

LA REGION DE FIRMINY ET SES RAPPORTS AVEC LE VELAY ET LE LANGUEDOC LOU MILAZDIOU (extrait de la Plainte du vieux clocher)

 ANNUAIRE-GUIDE DE FIRMINY 1928

HISTOIRE DES RUES DE FIRMINY LE CHAMBON-FEUGEROLLES LE CHAMON-FEUGEROLLES ORIGINES

                            GUIDE-ANNUAIRE DE FIRMINY 1929-1930

L’HISTOIRE DE LA RICAMARIE

NOTRE PROVINCE LA PIERRE DE SAINT-MARTIN DANS LA VALLEE DE LA SEMENE JANV. 1952

     CANEVAS DE CONFERENCES FAITES AUX ELEVES DES ECOLES PUBLIQUES MARS 1943

FIRMINY ET SA REGION DES ORIGINES A LA FIN DE LA REVOLUTION

BULLETIN DES POILUS DE LA GRANDE GUERRE (21e Congrès interdépartemental)

QUELQUES MOTS SUR L’HISTOIRE DE FIRMINY

LIVRET RELATIF EXPOSITION DES ARTS APPLIQUES (Firminy, 1925) PREFACE

           ARTICLES PUBLIES DANS DES REVUES NON IDENTIFIEES

LA VALLEE DE L’ONDAINE 28 AOUT 1937 LA VALLEE DE L’ONDAINE (Suite) LES JOLIS COINS DU PERTUISET LA VIEILLE ECOLE SAINT-PIERRE ET LE NOUVEAU GROUPE SCOLAIRE PASSAGE DE TROUPE ET QUARTIERS D’HIVER … PASSAGE DE TROUPE ET QUARTIERS D’HIVER … (suite)

III- 2 importantes monographies

         Albert Boissier a rédigé deux monographies d’un insigne intérêt :

1) La première monographie intitulée Histoire de l’Industrie du clou dans la région de Firminy fut publiée en 1941 dans la Revue de Folklore français et de Folklore colonial. Nous avons rééditée en 1991 ce petit mais essentiel opuscule avec 200 pages de notes et annexes thématiques qui réactualisaient les enquêtes d’Albert Boissier. 2) La seconde monographie, Histoire d’une grande usine (dont nous voulions entreprendre la publication avec une importante iconographie) a été reproduite en grande partie dans les numéros 21 à 28 de la revue « Hier et Aujourd’hui » de la Société d’Histoire de Firminy. Cette étude comporte 170 feuillets dactylographiés + quelques illustrations (sans grand intérêt pour la plupart) et deux petits chapitres extraits d’autres brochures. Le corps de l’étude apporte de substantielles informations sur « les Holtzer », l’historique de l’usine, les martinets d’Unieux et les procédés de travail de cette entreprise. Une première partie intitulée « A la gloire de l’eau » ne manque pas de charme (ADL J7 14).

IV- 6 Brèves Monographies manuscrites

        Ces monographies manuscrites -généralement rédigées dans les dernières années de la vie d’Albert Boissier- sont assez brèves : 1) Notre-Dame de La Faye près d’Aurec (1935). 2) L’arrière-fief de Montauroux (1951). 3) Froment l’abatteur de nuées (1951). 4) Histoire du Saint Père Merlaton (1951). 5) Histoire du curé Lafay (1951). 6) La mystérieuse Tour d’Oriol (1953).

V- 6 carnets chronologiques + 2 carnets thématiques

        Les deux premiers carnets sont les plus importants. Les carnets a1 et a2, beaucoup plus petits, sont souvent consacrés à des promenades et excursions.

- 6 carnets chronologiques :

  • Carnet A : commencé en décembre 1910 ; achevé le 13 août 1913. Comporte 640 notes.
  • Carnet B : commencé le 25 août 1913 ; achevé en mai 1936. Comporte 448 notes.
  • Carnet C : commencé le 26 mai 1936 ; achevé en avril 1945. Comporte 200 notes).
  • Carnet D : commencé le 20 janvier 1943 ; achevé vers septembre 1948. Comporte 212 notes.
  • Carnet E : commencé le 16 février 1945 ; achevé vers juin 1948. Comporte 174 notes.
  • Carnet F : commencé le 12 décembre 1948 ; se termine en juin 1853 à la mort de l’écrivain. Comporte 174 notes.

- 2 petits carnets thématiques (que nous avons représentés par les sigles « a1 » et « a2 »)

  • Carnet a1 : commencé le 2 décembre 1912 ; achevé le 11 février 1949 par le compte-rendu d’une promenade.
  • Carnet a2 : commencé le 20 mars 1915 ; achevé le 2 octobre 1949 par le compte-rendu d’une excursion.

VI- 2 carnets relatifs vie des appelous durant guerre 14-18

          M. Albert Boissier fils avait remis à la Société d’Histoire de Firminy deux autres carnets relatifs à la vie à Firminy durant la Grande Guerre. Ces carnets ont donné lieu à l’ouvrage Un apelou témoigne. La vie à Firminy 1914-1918 (s. d.), ouvrage édité et annoté par la Société d’Histoire de Firminy.

VII- Petit cahier (25 feuillets) relatif au parler populaire

        
        Patrice Benvenuto a fait de larges emprunts à ce cahier dans sa publication  Le Parler de la vallée de l’Ondaine (2011).

VIII- 3 petits cahiers relatifs au parler « patois »

      Un « 1er cahier » contient une grande partie de ce qu’Albert Boissier  avait collecté en « patois », et que l’on retrouve, pêle-mêle, dans les carnets antérieurs. 
      Un « 2e cahier » (mentionné plus haut) contient donc deux textes versifiés d’Albert Boissier (ADL, J 7 1).
       Un « 3e cahier » (également mentionné plus haut) comporte la version manuscrite complète (« conventions pour la lecture du patois » + texte + traduction + éclaircissements) de « La Plenta dau vielh clocheir » ainsi que l’imprimé relatif au « Chant des Apelous » (ADL, J 7 17).

IX- Poésies patoises et françaises

         Nous citons les poèmes que nous connaissons sans avoir conduit des recherches systématiques sur le sujet. Il est vraisemblable qu’Albert Boissier a composé d’autres pièces -tant patoises que françaises- qui n’ont fait l’objet d’aucune publication.

- Poèsies patoises

         Jean-Yves Rideau a reproduit 3 poésies : « La Plenta dau vielh clocheir » (à partir du texte du « Fonds Albert Boissier » de la Société d’Histoire de Firminy) ; « Aux Zefans de Frouminio » et  « A netroun vesi de vè mounistreau ». Cette dernière poésie obtint le premier prix aux félibrées patoises de Monistrol qui se déroulèrent les 14 et 15 juillet 1934 (cf. article de « La Région Illustrée » de juillet 1934 ; par ailleurs, en 1933, le 16 juillet était un dimanche). Le « Bab » qui s’est efforcé d’inventorier les écrits se son père a parfois commis quelques erreurs. 
       D’autre part, « Aux Zefans de Frouminio » n’est pas d’Albert Boissier. En effet, en marge de cette poésie patoise (« 7 J 1 » ADL), Albert Boissier a noté : Ce N° de Firminy-Cavalcade m’a été communiqué le 17 février 1932 par M. Claudinon, concierge du cimetière de Firminy. J’ignorais l’existence de ce journal jusqu’à ce jour. Il s’agit du numéro unique « Firminy-Cavalcade » du Dimanche 14 mai 1893 (trois ans avant l’arrivée d’Albert Boissier à Firminy) que les rédacteurs qualifiaient d’« organe officiel de la Fête de Bienfaisance, Parti Politique, Diurétique, Pamphlétaire et pas Millionnaire. Administration et Rédaction : Angles des Rues de la Bienfaisance et de la Charité » ( !). Albert Boissier qui a reproduit ce texte l’année suivante dans « La République du Mas » a changé la signature (« Apelou devai le Mâs » au lieu de « A-C Appelou ») tout en supprimant, à deux reprises, un « p » à « appelou ». 
       Albert Boissier est le seul écrivain régional qui écrit « apelou » (après avoir validé l’étymologie « pelou » = peau) avec un seul « p ». C’est sans doute cette orthographe qui a induit Albert Boissier fils -et nous-même à sa suite- en erreur. Nous avons déjà dit qu’un des rares reproches que nous avons formulé à l’égard d’Albert Boissier est d’avoir -au nom de l’étymologie patoise- supprimé un « p » à « appelou ». C’est une grande folie que d’aller contre l’usage disait déjà Montaigne !

- Poésies françaises

           On citera tout d’abord deux importantes contributions : 1) Le Poème de l’Acier qui comprend 4 parties : « La Fonderie ». « L’Arracheur ». « Le Creuset ». « L’Acier ». 2) Le Camp d’Antouno qui comprend également 4 parties : « Le Val de Loire ». « Le Camp d’Antouno ». « L’Obsédant Inconnu ». « Fraternité Humaine ».
         Relevons encore :

A la ville de Firminy (« La Vallée de l’Ondaine » in « La Région Illustrée ») Le Poème du Vieux Manoir (« Cornillon et son site » in « La Région Illustrée ») - Poèmes chantés Chant des Apelous (Imprimé) (Paroles d’A. Boissier ; Musique de Cl. Racodon) Firminy. Chœur des Appelous (Feuille manuscrite isolée).

X- Nombreuses notes manuscrites isolées

      Nous avons antérieurement cité quelques « Notes manuscrites isolées » que nous avons nous-même utilisées (voir en particulier « Croyances et Tradition », p. 275 et « Les Travaux et les jours », p. 224) mais sans nullement chercher à dresser un inventaire de ces notes composites. En effet, le plus grand nombre  de ces très nombreuses  notes (simples copies d’’ouvrages divers ; prise sur le vif d’informations ultérieurement reproduites dans des articles ; compilations de références diverses, etc.) montre la manière de procéder de l’écrivain et son souci d’économie puisqu’il utilisait souvent du papier de récupération (réclame ; feuilles de carnets ; recyclage de documents administratifs ; papier d’emballage, etc.). 
            Compte-tenu du fait que nous n’avons pas connaissance de beaucoup de notes isolées que M. Albert Boissier fils a sans doute remis à la Société d’Histoire de Firminy ou conservés lui-même, nous ne procéderons donc pas à un impossible et fastidieux inventaire et cela d’autant plus que nous n’avons pas utilisé toutes les notes dont nous disposions. Voir néanmoins Les surnoms à Firminy et dans la région » (notes d’Albert Boissier)  (in « Les surnoms des vieilles familles d’Unieux »).
      En effet, ces notes sont très hétérogènes. Les unes ne constituent que de simples copies d’ouvrages ou de références livresques. Beaucoup ont été reprises dans tel ou tel article. Certaines apportent des renseignements ponctuels. Ainsi, sous l’intitulé « Vieux papiers », on lit : Chez Mathieu Fournier, un procès verbal de la Commission syndicale créée en vue de la désunion de la localité de Malvalette de la commune de Bas.

XI- Fichier, Cartes et Plans

        Sans revenir sur l’ensemble des notes déposées aux ADL et sur l’ « Important et volumineux fichier des noms de lieux et de Patronymes » (ADL, J 7 1), rappelons qu’Albert Boissier avait également rédigé de très nombreuses petites fiches (peut-être conservées par la Société d’Histoire de Firminy) qui comportaient des renseignements divers (« lieux existants » ; « souvenirs historiques », etc.).  Par ailleurs, de nombreuses feuilles -plus ou moins éparses- détachées de petits carnets, constituaient un « Fichier thématique » (cf. « Farces des Chambonnaires » ; Farces de Putain d’Ane », etc.).
         A ces fichiers s’ajoutait un « Nombre impressionnant de cartes, de dessins, de croquis et de plans » touchant à toutes sortes de domaines (anciens chemins ; voies et routes diverses ; puits de mine ; vieux moulins ; anciens bâtiments ; curiosités diverses, etc., etc.).

XII- Publications à partir d’écrits d’A. Boissier

        Ajoutons que Marcel Bruchet a publié Firminy et ses environs (tome III, 1991) en procédant à une sélection de notes (parues dans des revues régionales) d’Albert Boissier.
         Nous-même avons publié Sur les traces d’Albert Boissier dans l’ancien baillage de Saint-Ferréol (1993) à partir de notes figurant aussi bien dans différentes revues, dans des monographies manuscrites que sur des feuilles isolées ainsi que Promenades historiques et gastronomiques (s. d.). Enfin, nous avons donné un catalogue Le petit monde de M. Boissier (s. d.) à l’occasion de l’exposition présentée par nos soins à la Maison de la Culture de Firminy où les visiteurs découvrirent plusieurs curiosités mentionnées par Albert Boissier.

Remarques subsidiaires

         On constate qu’il reste encore bien des choses à découvrir -sans parler de son œuvre photographique- sur Albert Boissier. Observons que nous n’avons pas eu le temps de contrôler toutes les informations fournies par M. Albert Boissier fils. Ainsi, apprenant que les ADL disposaient de la série quasi complète du journal hebdomadaire « L’Eclaireur » (dont Albert Boissier fut un des correspondants entre 1897 et 1918), nous avons constaté que le lexique « Le patois pittoresque » (communiqué par M. Albert Boissier fils) ne correspondait pas à l’ordre des 12 articles successivement publiés entre le 3 septembre et le 24 décembre 1910. Ayant déjà donné l’ouvrage à l’impression, nous n’avons pas eu le temps de publier ce lexique dans son ordre originel. Par ailleurs, il conviendrait également de faire le point sur les articles intitulés « Au Pays Appelou. Vieilles légendes … ». Ces articles parus dans « L’Eclaireur » à partir du 11 janvier 1912 paraissent être, au moins, au nombre de quatre.  
        Avec le recul du temps, nous regrettons, de n’avoir pas retranscrit intégralement -dans notre premier volume- ces longs articles parus dans « L’Eclaireur » qui traitaient des anciennes croyances et apportaient de précieuses informations correspondant parfaitement à l’esprit de ce volume. En effet, alors que nous avions privilégié -sans doute à bon escient- les notes consignées sur le vif, la citation in extenso (dans des notes correspondantes) des articles les plus pertinents d’un point de vue « folklorique », n’eût pas été superflue. 
         Notons, par ailleurs, que l’article  « Choses d’autrefois » du 15 Mai 1912 (« Forez-Auvergne-Vivarais ») est consacré à la narration du conte de « Plampougny » recueilli par Albert Boissier qui prend soin de formuler des remarques pertinentes :
      Ces choses que nos aïeux se racontaient pendant les soirées d’hiver ou qu’on se transmettait par tradition, se modifiaient et même se défiguraient un peu en passant de bouche en bouche. J’ai pensé qu’il était bon tout de même de les conserver dans la forme propre à nos régions, avec leurs erreurs, voire même leurs inexactitudes éventuelles …
      Il est hors de doute que cette histoire (de Plampougny), comme toutes celles que je dois rapporter ici, gagneraient énormément à être reproduites en langue vulgaire (patois), car on pourrait leur conserver ainsi leur aspect particulier et certaines expressions difficiles à rendre en français.
    
      Jean-Yves Rideau a donné une variante de ce conte, « le Plen-Pougnet » -en patois occitan d’Usson-en-Forez- publiée par Louis-Pierre Gras (« Dictionnaire du patois forézien », 1863). On distinguera -à quelques kilomètres seulement- ce patois « déjà auvergnat » de celui du poète-paysan Claudius Javelle que Marguerite Gonon qualifie de « provençal » (cf. « Lou Poèmes daoù païsan »). 
     Voir également « Prempougni » in Contes et Légendes de La Haute-Loire (1947) d’Ulysse Rouchon qui -comme à son habitude- n’a pas donné les références adéquates. Notons que ce thème du « Petit Poucet » (AT 327 B in « Aarne-Thompson ») n’apparaît pas dans le répertoire de Nanette Lévèque. La tardive immersion de la conteuse dans la région de Firminy peut expliquer cette absence.
     Une nouvelle fois, il convient de souligner la manne d’informations que l’on trouve dans les anciens journaux locaux et régionaux. Ainsi, Albert Boissier avait découpé (carnet E, n°95) un article rédigé en patois -« La Yoessi et la Bêssi »- rédigé par « Lou Tsienou ».
    Quant à l’article (supposé) de novembre 1910, nous avions prévu de l’intégrer à ce dernier volume dans la mesure où il contenait le déjà-là d’un lexique (lettres A et B) dont on peut se demander si Albert Boissier  en a poursuivi la rédaction. 
      Dans un autre ouvrage, nous avons évoqué un problème spécifique aux langues régionales qui tient au caractère « parlé » de celles-ci. De ce fait, certains charmes -admettant à l’occasion les grossièretés les plus carabinées- ne ressortissent pas de l’écrit. Ainsi, voulant mettre en exergue la différence de prononciation entre le patois de Firminy et celui de la Haute-Loire -« s » et « ch »-  Albert Boissier rapporte l’anecdote selon laquelle Putain d’Ane ayant demandé à une vendeuse de fromages d’où elle était (« D’an sià feno ») et qui lui répondit : « Chiooù de vè Retournac et voù d’an chià », s’esclaffa : « Me ! ô chïou d’ô thioou ! ».